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rieure, tentation, puissance et action de Dieu et des anges, ou, en sens contraire, des démons, sur l’homme et sur le monde matériel, tout cela est nié, tourné en dérision avec une légèreté qui n’a d’excuse que dans l’ignorance et l’irréflexion des prétendus esprits forts…

« … Est-ce qu’on peut encore recourir aux exorcismes ? Est-ce qu’on peut croire au diable et à la possession, en plein dix-neuvième siècle, comme on y croyait « au milieu des ténèbres du moyen-âge » ? Et de prétendus catholiques ont fait des gorges chaudes de « ces pratiques surannées », qui compromettent évidemment l’Église et font perdre la foi aux bons chrétiens du boulevard !

« … Cependant Léon XIII, dont il est difficile de faire un esprit étroit et aveugle, fait réciter à tous les prêtres, chaque matin, et aux fidèles qui assistent à la messe, un véritable exorcisme. Il a publié des formules d’exorcisme spéciales, dont il a recommandé au clergé de faire un fréquent usage comme prières personnelles : et enfin les exorcismes font partie de toutes les bénédictions, de toutes les consécrations liturgiques, depuis le baptême des enfants jusqu’à la bénédiction de l’eau.

« L’Église reconnaît donc, affirme donc la puissance du démon sur le monde et sur les hommes, puisqu’elle demande à Dieu qu’il nous en délivre.

« Il ne faut donc pas rejeter de parti pris les faits où l’intervention diabolique paraît se produire ; mais il faut les examiner avec une grande prudence, une attention toute spéciale, et suspendre son jugement jusqu’à ce que la vérité se manifeste avec une clarté irréfragable. Du reste, à l’Église seule il appartient de se prononcer en chaque cas particulier. »

On ne saurait parler avec plus de raison et de bon sens. C’est pourquoi, suivant quant à moi la règle si logique et la seule chrétienne indiquée par M. le chanoine Mustel, j’ai examiné et j’examine avec prudence, avec attention, les faits qui m’ont été rapportés, ainsi que ceux dont j’ai été le témoin ; j’attends, pour me prononcer catégoriquement, que la vérité m’apparaisse manifeste ; et, considérant que le jugement définitif à porter sur ces faits est du ressort exclusif de l’Église, je lui soumets mon appréciation personnelle, toujours prêt à m’incliner respectueusement, si le Pape et les Évêques, à qui seuls appartient dans l’Église le ministère doctrinal, la décision des controverses, venaient à déclarer que je me suis trompé.

Mais on comprendra aussi quel chagrin déchire mon cœur, chaque fois que j’apprends qu’il y a des prêtres, — hélas ! oui, des prêtres, — se laissant entraîner sur la terrible pente du doute, au sujet de la possibilité de la possession, et, ce qui est encore plus surprenant, au sujet du diable lui-même.