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idées à la mode. L’intervention du surnaturel dans l’humanité leur paraît chose des plus risibles ; les miracles de Lourdes même ne leur ouvrent pas les yeux. Quant au diable et à ses œuvres, ils n’y croient plus ; il ne faut pas leur en parler, c’est perdre son temps.

Ils s’imaginent faire un grand honneur à Dieu en déclarant que les fléaux, par exemple, viennent comme cela, tout naturellement, au petit hasard, sans aucun motif. Un de mes lecteurs fidèles m’écrivait, il y a peu de jours, qu’un groupe de catholiques de sa connaissance s’étaient désopilé la rate à la lecture d’une page que j’ai écrite vers la fin du chapitre de l’hystérie, et où je dis que ces maladies terribles qui déconcertent la science humaine sont des châtiments de Dieu, et que, dans ces circonstances, à la suite de nos trop nombreux péchés, Dieu, afin de punir ce monde oublieux et frivole, laisse pendant quelque temps Satan se déchaîner. Les catholiques du genre de ceux dont mon honorable correspondant me parle se rencontrent partout.

Aussi, j’estime qu’il n’est pas inutile de remettre sous les yeux du public quelques lignes de Mgr Gerbet sur cette question des fléaux, lesquels, loin d’être l’effet du hasard, ont au contraire une raison, et une raison divine, le diable étant un simple instrument des volontés du Très-Haut.

Voici en quels termes s’exprimait le savant évêque de Perpignan, l’un des plus éminents théologiens de ce siècle :


Quand la Providence lance, sur les contrées les plus confiantes dans la salubrité de leur climat, ces épidémies mystérieuses qui déconcertent les théories de la science, qui, dans leur marche bizarre, s’affranchissent et se moquent non seulement des lois de la vie, mais aussi des règles ordinaires de la mort, ne serait-on pas tenté de croire qu’elle a des caprices barbares, des fantaisies foudroyantes, où elle semble se complaire dans les coups qu’elle porte, et jouer, pour ainsi dire, avec des cercueils ?

Pourquoi Dieu a-t-il fait le monde ainsi ? Est-ce qu’il n’aurait pu, avec sa puissance et son intelligence infinies, organiser la nature de telle sorte qu’elle n’eût offert que des traces de son infinie bonté ?

Sans doute il eût été libre de le faire, comme il a été libre de choisir l’ordre actuel. D’où vient donc qu’il a préféré un plan ou sa bonté semble, à en juger par les apparences, être en défaut, où elle recule en quelque sorte, pour faire place à quelque chose qui n’est pas elle ?

La philosophie humaine cherchera tant qu’elle voudra le mot de cette énigme : elle n’en trouvera pas de meilleur que celui qui est suggéré par la foi. La foi nous dit que le monde des corps n’a pas sa raison d’être en lui-même et qu’il n’existe qu’en vertu de son rapport au monde des esprits ; que l’ordre matériel est adapté à l’ordre spirituel ; que les combinaisons de l’un sont coordonnées aux convenances de l’autre ; que Dieu a voulu qu’il y eût des tempêtes dans la nature, parce qu’il y a de coupables orages dans le cœur de l’homme ; que les fléaux pestilentiels ont été prédestinés à punir les épidé-