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chez l’homme, la façon dont elle se segmente en colonnes longitudinales qui s’épaississent et s’atrophient pour former la jambe du chien, du sanglier, du cheval ou du gorille ? Pourquoi, comme Agassiz, se plaire à montrer sur un tableau à ses auditeurs de New-York, « comment en contournant ceci et en allongeant cela », on arrive à faire un poisson, un reptile, un mammifère, un singe, un homme ? Pourquoi enfin s’appuyer sur deux hypothèses absolument indémontrées encore : « la nature ne fait pas de sauts » et « la lutte pour la vie », pour démontrer, avec Lamark et Darwin, quoi ? que l’homme est le résultat d’une transformation lente de la matière préexistante, et non le résultat d’une création spéciale de Dieu ? Et ne sent-on pas l’inanité pratique et le danger de telles études qui aboutissent droit au matérialisme et à l’enfer ?

C’est là, je le répète, une des formes les plus curieuses, et les plus intéressantes à étudier, de l’obsession scientifique : elle rentre directement dans cette partie de mon exposé ; elle a été cause que j’ai été moi-même obsédé ; il me faut donc en parler ici.

J’essaierai d’être rapide et clair comme pour l’hystérie. Ma méthode consiste à exposer la théorie de l’adversaire, à montrer comment il s’y prend pour séduire, et ainsi je fais ressortir tout le danger du piège. Comme le protestantisme, dont elle est fille (parce que tous les initiateurs célèbres de cette science ont été et sont des protestants), l’anthropologie est un genre de folie scientifique ; comme le protestantisme, elle est une manie raisonnante, en définitive, une obsession satanique.

Voici comment s’exprime l’anthropologie, et comment le diable, père de toute fausse science, essaie de démontrer à l’homme qu’il est fils de rien du tout, créé au hasard du chaos et de l’espace, perfectionné du singe en définitive, descendant de tout, sauf de Dieu.

« Lorsque le naturaliste détache son regard des faits de détail et embrasse l’ensemble du règne animal, il est frappé du petit nombre de moyens mis en œuvre pour obtenir les formes les plus diverses. Il remarque que, d’une manière générale, il y a progression continue des organismes les plus simples aux organismes les plus complexes. Son impression se traduit par des périphrases telles que : « l’harmonie générale », « le plan suivi par la nature », « l’unité de type, de composition ou de conformité organique ». Il compare la suite des êtres connus à une échelle, à une chaîne ou à un arbre aux branches très ramifiées. Sa pensée intime, formulée ou non, c’est qu’il y a succession, gradation, entre les divers types d’animaux, comme si quelque force d’organisation s’était ingéniée à modifier et compliquer sans cesse pour porter en une continuité ininterrompue les espèces à l’infini. »