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qui avait répondu en latin, assez adroitement pour que la voix pût paraître surgir de terre, du sein des flammes.

La cérémonie était terminée. J’enlevai mon cordon, le pliai et le mis dans ma poche, et je remontai à la surface du sol. La voiture qui m’avait amené était toujours là, m’attendant.

Plusieurs des Indiens me rejoignirent, me saluant profondément, me remerciant. Le Sata me demanda si je voulais qu’il me raccompagnât ; je lui répondis que c’était inutile ; le cocher savait où me reconduire.

Le Sata, se confondant en protestations d’amitié et de dévouement, me prit enfin à part et me dit :

— Toi maçon grand, grand, mais pas connaître Lucif, toi pas fakir…

Et, il ajouta, en me remettant un petit objet en bronze vertdegrisé :

— Prends, toi ami, lingam de Lucif… Lingam pour cordon… Ça fera toi reçu partout, Inde, fakirs, Chine, partout, partout… Toi ami, bon, bon.

L’amulette luciférienne qu’il m’offrait était, en effet, un lingam, mais augmenté de petites ailes ; le tout, avec un anneau, pour être suspendu au cordon de mon grade, au lieu du bijou maçonnique. C’était la clef mystérieuse qui devait m’ouvrir toutes les portes des sanctuaires secrets du fakirisme. J’acceptai l’objet infâme, et je partis.

Trois heures plus tard, je dormais à poings fermés à l’hôtel de Pointe-de-Galle. J’étais harassé, comme si j’avais accompli une course des plus fatigantes. Le lendemain, je rentrai à bord.




CHAPITRE IV

Mac-Benac, ou le temple de la pourriture




À bord, survint un incident, qui me combla de joie, tout en me permettant de rendre service à un collègue. Le médecin du Meïnam, — le bâtiment faisant les stations de l’Inde, — était obligé de se rendre à Yokohama dans le plus bref délai, pour régler des affaires d’intérêt urgentes, la succession d’un parent établi au Japon et mort récemment ; il me demandait, avec les plus vives instances, de le remplacer au moins pendant quelques mois sur son bateau. On juge si cela tombait bien pour moi. J’allais donc pouvoir rester de longs mois dans cette Inde, que je