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centes, trois pauvres soldats, qui, ici, ne sont nullement représentés comme impies, alors que ce même Dieu, dans sa miséricorde suprême, interdit au démon de tuer personnellement les fanatiques égarés, coupables d’avoir fait pacte avec l’enfer, alors qu’il suffit d’invoquer la Vierge ou les saints pour être délivré des attaques les plus furieuses de Satan ?

À l’histoire vraie, qui consiste uniquement en trois suicides par imitation, accomplis en pleine hallucination obsédante, c’est-à-dire l’individu ne jouissant plus de sa raison, à cette histoire la légende a ajouté l’épisode, encore plus tragique que le reste, de l’officier étranglé par les mains mêmes du diable. Cet épisode final, complètement inventé et dont les médecins ne parlent pas, était nécessaire à la foule superstitieuse pour donner un caractère surnaturel aux trois suicides de soldats.

Enfin, l’histoire dit tout simplement que, pour rassurer la garnison parmi laquelle la terreur était répandue, on fit démolir la salle de police, par crainte de voir d’autres soldats s’halluciner encore et se suicider, et qu’on en construisit une autre ailleurs. La légende a transformé également la conclusion de cette triste affaire : on a prétendu que, découverte de la dernière heure, il fut constaté que l’ancienne prison s’élevait sur l’emplacement d’une chapelle où des sacrilèges avaient été commis autrefois. J’avoue que je ne vois pas bien le diable vengeant des sacrilèges ! et cela en pendant et étranglant des militaires innocents !


Par ce qui précède, le lecteur se dira que, examinateur scrupuleux et impartial, je n’accepte pas, les yeux fermés, tout ce qui se dit et se raconte ; le lecteur sera dans le vrai. Il faut, en effet, m’accepter les légendes où le surnaturel joue un rôle qu’avec les plus extrêmes réserves ; et, dès l’instant qu’une légende est, ne serait-ce que sur un seul point, même insignifiant d’apparence, en contradiction avec la doctrine de l’Église, rejetez cette légende impitoyablement, car elle est à coup sûr fallacieuse et erronée.

Je vais en avoir fini avec les obsédés qui ont commis le crime de souscrire un pacte à Satan, et montrer, par une histoire vraie, que Dieu vient au secours de ces malheureux, même les plus coupables, dès qu’ils ont le repentir de leur faute et qu’ils font appel à sa miséricorde. Ceci, qui n’est pas une légende fabriquée par des imaginations ignorantes, prouvera, en outre, que le diable ne tue pas les gens aussi facilement que beaucoup le croient, à tort, et quelque envie que l’éternel ennemi de l’humanité puisse avoir de détruire les créatures de Dieu.

Cette histoire est rapportée par plusieurs auteurs ecclésiastiques ; c’est dire qu’elle est d’une certitude absolue.