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J’eus bientôt la preuve que tous les membres des hauts grades des principales sociétés communiquent entre eux. Le Sata avait, cela était certain, l’initiation luciférienne des degrés supérieurs ; car, aussitôt que j’eus passé mon cordon, il me dit : Isis. Je lui répondis : Osiris.

Nous venions d’échanger le mot de passe cabalistique du rite de Memphis. Il connaissait, par conséquent, les mots secrets des hauts grades d’autres rites que le sien.

À quelle cérémonie funèbre allais-je donc assister ?… Ces gens-là allaient-ils attendre la mort inévitable de la vieille et l’enterrer illico ?…

Le Sata me dit encore, m’interrogeant :

— Mâhmah fini, pas guérir ?

— Oui, répondis-je, c’est bien fini ; elle sera morte avant ce soir.

Il revint vers les Indiens et leur parla. Il leur expliquait que le médecin français, qui était un ami sûr, un frère, avait déclaré que la vieille prêtresse ne passerait pas la journée.

Alors, ils formèrent tout autour d’elle un bûcher de branches résineuses, et ils y mirent le feu. Il y avait de quoi suffoquer, malgré un vif courant d’air, aménagé au moyen de deux ouvertures pour la ventilation de la salle. Ils jetèrent dans le brasier des bois d’essences, santal et autres ; ce parfum pénétrant, exquis, eut bientôt chasse la puanteur de l’huile de coco.

Cependant, les flammes du brasier ne touchaient pas la vieille ; elle était au milieu du cercle de feu. Puisant tout à coup des forces en un effort surhumain, elle se releva et réussit à se tenir debout. Après quoi, les bras étendus, elle se mit à tourner lentement sur elle-même ; et l’assistance se mit à psalmodier. Je me suis fait dicter, dans un voyage suivant, par le Sata, ce cantique du culte indien luciférien ; je l’ai copié textuellement, et le voici :

Ar’ usirkkajinédiladiyâsiriyaviuttam.
Ar’ aviyaman’ attaragiyârunkoloekkur’ indjitandi.
Fur’ aviyal’ por’ umoettêrmêt‘ t’ogusin’ appâloenindi.
Par’ aviyal’ kamamulloekalavèn’ umamdampo.
Mar’ aviyânéydalvolgâvaragadikkaalutsérvâ’ lucif.

Ce qui veut dire littéralement en tamoul ou dialecte du sud de l’Inde :

« Devenus des hommes à l’esprit vertueux, nous franchirons le pays montagneux du meurtre pénible ; nous traverserons le désert de la colère amassée, sur le char de la patience propre à la pénitence ; nous voyagerons dans le bois de l’amour dont la nature est extérieure et dans le terrain fertile du vol ; et, en nous arrêtant un instant au rivage désolé de l’oubli (ivresse), nous arriverons dans l’océan du but suprême : Lucifer. »