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Les opinions étaient partagées. Quelques adeptes combattirent la manière de voir de Diana : puisqu’elle n’acceptait pas toutes les pratiques liturgiques du Palladisme, on était bien forcé de la radier, quoique à regret et en lui gardant amitié dans les relations profanes.

Diane répliqua. Elle ne l’entendait pas ainsi : non seulement elle voulait rester palladiste, mais elle réclamait même sa proclamation comme Maîtresse Templière, ayant prêté, disait-elle, le serment et n’en rétractant pas un mot.

Le grand-maître allait mettre la radiation aux voix.

Soudain, — c’est du moins ce qu’on raconte à Louisville, — on entendit un bruit bizarre dans l’écrin ; on eût dit que l’objet offert par Asmodée l’année précédente s’agitait, à briser les parois du coffre.

On ouvrit l’écrin ; la queue du prétendu lion de saint Marc s’élança hors de la boîte, et, légère comme un fouet, cingla vigoureusement tous ceux qui avaient parlé contre Diana. Il n’y avait pas à en douter : le talisman prenait parti pour elle.

En présence d’une telle manifestation, personne n’ose voter l’expulsion de la sœur indépendante. Elle fut maintenue adepte.

Là-dessus, le vote étant acquis, le grand-maître réclama quelques explications à la queue de lion protectrice. On la plaça sur une table, et on interrogea l’objet diabolique.

— Est-ce toi, Bengabo, qui es présent ?

La queue de lion frappa deux coups sur le bois de la table, ce qui veut dire « non ».

— Est-ce toi, Asmodée ?

Un coup sec répondit « oui ».

Puis, l’appendice léonin se projeta de lui-même à travers l’espace, vint s’enrouler moelleusement autour du cou de Diana ; le flot caudal se transforma en une petite tête de diable, et cette tête, ouvrant la bouche, dit :

— Moi, Asmodée, commandant à quatorze légions d’esprits du feu, je déclare que je protège et protégerai toujours ma bien-aimée Diana envers et contre tous. Quand on voudra me consulter, il faudra qu’elle soit présente, et je ne répondrai qu’à son interpellation.

On ajoute qu’Asmodée dit encore, retournant sa tête vers celle de la sœur Vaughan :

— Diana, je t’obéirai en toutes choses, mais à une condition expresse : c’est que tu ne te marieras jamais. Du reste, si tu ne te conformais pas à mon désir sur ce point, qui est la seule loi que je t’impose, j’étranglerais quiconque deviendrait ton époux.

Après quoi, le flot reparut à la place de la petite tête de diable ; la queue de lion, bondissant de nouveau et sillonnant l’air, réintégra son