Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/721

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dique, qui a commencé une initiation à un grade quelconque et qui l’a interrompue, peut seul, s’il y a lieu, c’est-à-dire si le récipiendaire est reconnu enfin acceptable, reprendre le cérémonial et donner la consécration d’abord refusée.

Le triangle Saint-Jacques, de Paris, pouvait donc empêcher Diana Vaughan de devenir jamais Maîtresse Templière ; mais il n’avait aucun pouvoir pour la radier totalement du Palladium. Il restait uniquement à Sophia Walder et à Bordone le droit de solliciter l’adoption de cette mesure auprès du triangle les Onze-Sept, de Louisville, en lui adressant un réquisitoire motivé.

Le rapport contre Diana fut donc rédigé et signé. Bordone estimait que demander la radiation complète n’était pas suffisant : à son avis, la sœur Vaughan en savait beaucoup trop, et elle était devenue non seulement indigne, mais encore et surtout dangereuse ; il fallait la supprimer, la faire disparaître. La majorité, cependant, ne se rallia pas à sa proposition ; on pensa que, si l’on réclamait aux Onze-Sept de mettre en mouvement les ultionnistes, on n’obtiendrait rien, pas même la radiation simple ; car on savait que Diana était aimée des palladistes de Louisville, et que des mesures de rigueur extrême ne seraient pas prises contre la fille du principal fondateur du triangle.

Tout cela avait été discuté et réglé en quarante-huit heures à Paris ; le rapport était prêt à partir le 27 mars. Mais Diana avait eu vent de ce qui se machinait contre elle. Toujours prompte dans ses résolutions, elle prit le prochain paquebot transatlantique, si bien qu’elle arriva à New-York et de là à Louisville en même temps que le réquisitoire du triangle Saint-Jacques.

Une séance spéciale des Onze-Sept fut immédiatement consacrée à cette grave affaire.

Diana comparut, et le grand-maître Pixly l’invita à présenter sa justification. Elle se borna à développer, mais avec éloquence, sa théorie de l’inutilité des profanations. « Je suis une luciférienne vraie, conclut-elle, une luciférienne de cœur et de raison », et, montrant le Baphomet : « Les adonaïtes prétendent que le symbole de notre Dieu est un vain simulacre, et pourtant, si une de ces représentations de la divinité naturelle tombait entre leurs mains, ils la mettraient en pièces avec fureur ; laissons donc les folies aux adonaïtes, et ne les imitons pas. Propageons la vérité par une action lente, douce et sûre ; tirons peu à peu les profanes de l’ornière de l’erreur ; c’est ainsi que nous établirons progressivement le culte du Dieu-Bon sur tout le globe, c’est ainsi que nous amènerons les peuples à nous. Mais pas de violences absurdes ! pas d’insanités chez nous qui prêchons la logique et le bon sens ! »