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Les fruits de ces pratiques pieuses ne tardèrent pas à se montrer nombreux : plus de bals ni de cabarets dans le village, cela obtenu sans contrainte ; l’église était toujours pleine.

Jean-Marie entreprend alors de prêcher des missions dans la contrée. Son zèle est si grand et sa piété éclate tellement que tout le monde comprend que c’est un saint et vient se confesser à lui, même des hauts dignitaires de l’Église.

Alors, commence pour le bienheureux la période des actes de mortification et d’ascétisme. Il ne boit plus que de l’eau, porte constamment une chaîne de fer, s’administre les plus dures disciplines, et ne vit plus que pour Dieu, le salut des âmes et le soulagement de la misère des pauvres.

Il avait pour lui-même le plus profond mépris. Dans sa paillasse était une planche ; puis, trouvant cette couche encore trop sybarite, il finit par aller se coucher dans le pauvre grenier de son pauvre presbytère, sous le toit, auquel manquaient les tuiles, sans lit, avec une grosse pierre brute pour oreiller. Il est facile de comprendre qu’un chrétien aussi élevé dans la perfection était détesté par Satan de toutes les forces de sa haine infernale.

C’est dans son pauvre grenier, la nuit, que le diable allait le tourmenter, s’acharnant contre lui, jusqu’à le priver de sommeil, lui tirant les pieds, lui donnant de grands coups d’escabeau sur le corps. Jean-Marie avait donné un nom à son persécuteur ; il l’appelait « le grappin », et ce nom est un de ceux qui sont restés pour désigner le diable.

L’abbé Vianney souffrait ces assauts furieux du démon, ces violences, ces brutalités, et cela par mortification nouvelle, tandis qu’il aurait pu chasser « le grappin » par un signe de croix : il le fit pourtant, quand il était trop brisé de coups, mais uniquement pour montrer à l’esprit immonde que le Christ est son éternel vainqueur.

Il passa souvent plusieurs jours sans prendre de nourriture, et lorsqu’il mangeait, c’était du pain noir déjà moisi « qu’il achetait aux mendiants ». Jamais le foyer de sa cuisine ne vit le feu.

De telles macérations, jointes à des fatigues continuelles, avaient exténué son corps ; mais la vie intérieure transfigurait sa douce physionomie.

Pour les autres, il renouvela plusieurs fois le miracle de la multiplication des pains et celui des noces de Cana.

Dès 1825, on vint en pèlerinage à son église d’Ars : le père Lacordaire, Mgr Dupanloup, Mgr de Bonald, Mgr de Ségur notamment, vinrent le voir et se confessèrent à lui.

Il mourut en 1859, en odeur de sainteté ; et l’Église qui ne se trompe pas, elle, qui ne confond pas les choses naturelles les plus extraor-