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— sur le point de mourir, dans une chambre creusée dans le sol, une sorte de grande chambre mortuaire.

— Pourquoi m’as-tu fait venir ici ? repris-je.

— Toi médecin french (français), et bon, bon ; pas aimer nous médecins pas connaître ; toi, ami, ami ; savoir ça, moi… Toi diras si Mâhmah malade pas guérir.

Impossible de tirer autre chose de ce diable d’homme.

— Pourquoi, lui dis-je encore, n’as-tu pas fait venir un médecin anglais ?

— Lui pas ami Sata ; lui parler ; toi, ami, pas parler… Anglais maudits, que un jour esprit chassera de l’Inde.

Je ne m’attendais guère à voir mettre un esprit dans cette affaire.

— Tu crois aux esprits ? interrogeai-je.

— Esprit protège Sata, esprit parler avec Sata.

— Vraiment ?

— Moi savoir toi être ami Sata.

Je ne pus retenir un rire.

— Toi ami, et moi jamais voler toi… Esprit protège toi…

— Comment sais-tu si je suis ton ami ?

— Comme ça.

— Et tu dis qu’un esprit me protège ; comment le sais-tu ?

— Comme ça.

Il me répondit ces deux « comme ça » de l’air d’un homme qui ne veut rien dire.

Je poursuivis néanmoins mon interrogatoire.

— Et, puisque tu me crois ton ami et que tu voulais me faire venir ici, comment as-tu fait pour le dire au domestique de l’hôtel sans lui parler ?

— Nous sommes même main.

— Qu’est-ce que cela, même main ?

— Même main, même esprit… Toi, curieux ; toi bientôt tout louqsi (voir).

Sur ce dernier mot, il descendit dans l’ouverture. Je le suivis.

Nous descendîmes environ soixante marches et débouchâmes dans une grande chambre souterraine, éclairée par une lampe à l’huile de coco, qui sentait mauvais.

Ce qui me frappa tout de suite, ce fut un amas de copeaux de cocotier, et sur cette manière de lit, couchée, contournée sur elle-même, une vieille femme ; quelque chose d’innommable ; sèche, ridée comme une pomme reinette, comme une baudruche dégonflée ; une araignée vieillotte, aux petits yeux éteints, et dont la respiration sifflait.

Je vis, sans autre examen, qu’il n’y avait rien à faire, qu’elle était à la dernière extrémité ; et mon visage dut l’exprimer, car le Sata me dit :