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nière et étrange singularité, tous les chats y sont noirs et naissent avec la queue cassée.

C’est là, on le voit, un monde à rebours, dont l’étude confond l’esprit ; car tout ce que je viens de dire est de l’exactitude la plus rigoureuse, la plus scientifique.

Un savant allemand, protestant, hérétique par conséquent, frappé de ces faits, en a tiré une conclusion inattendue et fort bizarre : Hœckel a supposé que, de même que ce continent, englouti dans l’Océan, et dont ne surnagent que les points les plus élevés pour en attester l’antique existence, était le centre, le lieu d’origine des espèces florales et faunales intermédiaires, transitoires, de même il avait été aussi, à un moment quelconque des temps primitifs, le lieu d’origine, de naissance et d’habitation d’un animal de transition entre l’homme et le singe, animal hypothétique que d’autres auteurs ont nommé « l’anthropopithèque ».

Partant de cette donnée, contraire à la science des Linné, des Cuvier et autres zoologistes chrétiens, science qui vaut bien la leur, les transformistes se sont amusés à. décrire cet animal supposé. Selon eux, il n’avait pas encore la parole ; mais il avait, affirment-ils, les membres grêles, la forme des mains se rapprochant de celle des pieds, le corps velu ; et quelques-uns même vont jusqu’à nous apprendre que cet anthropopithèque, cet animal presque homme, avait une queue, de la barbe et des poils roux.

Il est inutile de s’attarder à discuter ces balivernes. L’écriture sainte, la révélation, la tradition religieuse ont une autre valeur que les hypothèses d’un savant protestant, et nous enseignent, à n’en pas douter, que l’homme n’est pas le produit d’une transformation, mais est bien l’homo sapiens, comme l’appelle Linné, le classant en dehors de tous les animaux, c’est-à-dire une création à part et toute spéciale de l’Éternel.

Si donc j’ai relaté ces fantaisies saugrenues d’une pseudo-science, c’est uniquement pour montrer toute l’importance physique, importance incontestée, de ces contrées étranges, toute la singularité exceptionnelle, la difformité presque, si l’on peut ainsi s’exprimer, de ces régions que nous allons parcourir, et que les missionnaires appellent couramment : le royaume de Satan. Et l’on verra, par ma première enquête, que cette appellation n’est nullement arbitraire, et qu’il faut un véritable courage à nos prêtres des missions pour se vouer à la conquête des âmes dans ces pays réellement subjugués depuis tant et tant de siècles par les puissances de l’enfer.

Si ce monde est singulier au point de vue physique, c’est bien pis encore au point de vue civilisé. L’Inde et l’Asie ont été de tout temps et sont même de nos jours les foyers de la pire superstition, des pires idolâ-