Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

neurs de la voûte d’acier, maillets battants ; il en fut satisfait au plus haut point, et me dit :

— D’autres honneurs, bien plus grands encore, vous attendent aux Indes, si vous y allez, très parfait et illustre frère.

Il se félicitait de m’avoir conféré le 90e degré de Memphis, et ajoutait :

— D’un simple coup d’œil, j’avais compris, lorsque vous vîntes me voir pour la première fois, que vous possédiez la vraie lumière et que toute initiation était superflue. Je crois que vous serez une des gloires de notre ordre sublime.

Je lui glissai quelques mots au sujet de Matraccia.

— Un martyr ! murmura-t-il.

L’abbé Laugier ne s’était donc pas trompé ; Matraccia avait eu des accointances avec les occultistes de Naples.

Nous nous séparâmes, les meilleurs amis du monde ; il comptait sur moi pour lui amener des recrues !…

Nous arrivâmes à Galle un vendredi. Le souverain hiérophante m’avait donné l’adresse d’une société de cabalistes ; mais je me demandai si je devais m’y rendre. Je ne me sentais pas encore assez ferré, pour aborder si brusquement la cabale nettement diabolique. Je n’avais jusqu’alors vu que de la maçonnerie ordinaire, à la loge de Marseille. Il me semblait qu’il serait prudent à moi de ne procéder que progressivement, en visitant d’abord des chapitres de Rose-Croix, puis des aéropages de Kadosch ; après quoi seulement je me hasarderais dans les réunions palladiques. J’avais étudié, avec soin, pendant la traversée, au moyen de divers livres que Peisina m’avait vendus, toute l’échelle qui conduit aux lucifériens ; mais ma science se bornait à la théorie ; je n’avais, somme toute, encore rien vu.

L’arrêt à Galle était de quarante-huit heures. Quoique peu porté à faire d’emblée connaissance avec les cabalistes cynghalais, je descendis à terre immédiatement.

Le lecteur sait que Pointe-de-Galle est le point extrême sud de l’île de Ceylan, qui fait elle-même le sud de l’Inde, dont elle est séparée par le détroit de Palk. Au point de vue qui nous occupe, Ceylan a une situation toute particulière, et il n’est pas sans intérêt de l’exposer.

Si l’on jette un coup d’œil sur une carte du monde, on voit que de puis le Cap de Bonne-Espérance, au sud de l’Afrique, jusqu’au Kamtchatka, au nord-est de la Sibérie, tout le littoral est bordé d’îles : Madadagascar, avec sa ceinture de petites îles, Mayotte, Nossi-Bé, les Comores, Bourbon, Maurice, Sainte-Marie, les Seychelles, puis, en remontant vers le nord, Soccotra, à peu de distance du cap Gardafui ; puis, en prenant dans la direction de l’est, les Maldives, Ceylan au sud