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tien observateur et méprisant les dangers, j’ai été partout ; à Rome, j’ai pénétré, non seulement dans les réunions maçonniques lucifériennes, mais même au sein des repaires d’énergumènes révolutionnaires où jamais la police d’Humbert n’a osé s’aventurer ; j’ai mangé, en compagnie des fanatiques d’Alberto Mario, de Cipriani et d’Andréa Costa, les anchois traditionnels, arrosés de vinaigre, servis par des prolétariennes enragées, qui seraient les émules de nos pétroleuses, si la Commune éclatait demain en Italie ; ayant tout vu de près, je sais tout. Et c’est pour cela que je puis dire ce qui se passe, autrement que le premier venu donnant des renseignements à coups de ciseaux à travers des bulletins maçonniques, où les chefs de la secte ne laissent publier que ce qu’ils veulent, où ils se plaisent même à glisser, à côté de quelques vérités sans importance, des faussetés ingénieusement combinées pour dérouter les recherches.

Le Grand Orient d’Italie contient donc, par ses émissaires, les colères grondantes des socialistes contre la monarchie de la maison de Savoie. Lorsque Cipriani se mit en œuvre pour la Ligue Latine, lorsqu’il agita la démocratie italienne contre la Triplice, le grand-maître Adriano Lemmi envoya à toutes les loges maçonniques une circulaire défendant aux affiliés de participer au mouvement francophile ; et à ce propos Lemmi se servait d’insinuations basses et misérables. La main dans la main de Crispi, son collègue 33e et palladiste, il rendait au gouvernement d’Humbert service pour service ; en échange du monopole des tabacs et d’autres actes de favoritisme scandaleux, il poussait autant qu’il le pouvait la bourgeoisie voltairienne et la populace stupide à la haine contre la France ; si bien que l’on a le droit de dire que c’est la maçonnerie de Lemmi qui est la seule fomentatrice de l’inimitié entre les deux nations.


Dans ce chapitre, je me borne à mettre sous les yeux du lecteur la situation de la secte en Italie, qui est le théâtre de la grande lutte. Je suis donc obligé de laisser inachevé le portrait d’Adriano Lemmi. Il me reste à le peindre comme juif cabaliste, comme luciférien pratiquant, et ce n’est pas là son aspect le moins curieux. Mais je suis obligé de m’interrompre, sous peine de négliger d’autres acteurs de la tragi-comédie qui ont joué ou jouent leur rôle dans la guerre, tantôt sourde, tantôt ouverte, contre la Papauté. Que le lecteur se rassure néanmoins ; ce n’est qu’une interruption ; il ne perdra rien pour attendre. Nous retrouverons Lemmi, quand nous aborderons l’étude de la magie divinatoire.

D’abord, je parlerai brièvement des disparus.

Mazzoni, l’avant-dernier grand-maître au Grand Orient d’Italie, était originaire de Prato. Son diplôme portait comme date de naissance : 16 décembre 1808 ; mais il ne faut jamais se fier aveuglément aux dates