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autre pendant mon sommeil. Il est donc indiscutable que j’ai été transporté hors de la fumerie et que, durant mon absence, ma place a été prise par un fumeur nouveau venu qui l’a trouvée à son gré ; d’où il résulte que, lorsque j’ai été rapporté, ma place étant occupée, il a bien fallu m’en donner une autre.

Sur mes vêtements, j’ai constaté, en me réveillant dans l’opium-shop, plusieurs taches de sang toutes fraîches, et que les Chinois de la fumerie, avec une complaisance vraiment empressée, m’ont aidé à laver, à faire disparaître. C’était bien là le sang d’Yéo-hwa-tseu, qui m’avait éclaboussé en jaillissant, au moment de la décapitation.

Je conclus donc que je n’ai été en proie à aucune hallucination, depuis le moment où je me suis réveillé dans le temple de la San-ho-hoeï et où le grand-sage me souhaita la bienvenue, jusqu’au moment où, après l’opération photographique que je me rappelle à merveille, je fus pris tout à coup par une torpeur invincible, effet très probable du breuvage qu’on m’avait fait boire quelques minutes auparavant.

Enfin, comment me serais-je imaginé cet incident de la photographie prise sur place du cadavre d’Yéo-hwa-tseu ? ou, si cet incident fait partie d’un rêve, comment expliquer qu’il coïncide avec une coutume des frères de la San-ho-hoeï, coutume parfaitement prouvée et que j’ignorais alors ?

Au Rite Céleste, non seulement on photographie les cadavres après les sacrifices dits d’holocauste, mais même on photographie ceux des frères massacrés en séance pour avoir été soupçonnés de trahison. La San-ho-hoeï se considère comme si puissante, comme si au-dessus du pouvoir officiel lui-même, qu’elle se soucie peu d’établir, en agissant ainsi, la preuve irréfutable de ses crimes ; elle en est fière, elle en garde les traces sous forme de documents ; avant tout, il lui faut terrifier ses adeptes.

Et ne connaissant pas une pareille coutume en 1880, je l’aurais rêvée ?… Allons donc !… Et, ayant rêvé cela, j’aurais, quelques années plus tard, mis la main sur un document de ce genre ?… Car le dessin que je publie plus haut (voir à la page 289) est la reproduction exacte d’une photographie qui m’a été donnée par le frère archiviste du temple maçonnique de Kou-Lan-Sou et représente, d’après nature, une exécution de faux-frère dans un temple de la San-ho-hoeï, de nos jours.

À l’île de Kou-Lan-Sou, qui est en quelque sorte le sanitorium des habitants étrangers du sud de la Chine, il y a un temple maçonnique, dans lequel sont pratiqués plusieurs rites : l’Écossisme, le Royal-Arche et l’occultisme palladique. J’ai donc eu la mes grandes et petites entrées, et j’y ai copié bien des documents curieux. C’est là, dis-je, que j’ai en cette photographie d’un assassinat maçonnique, étiquetée aux archives comme pièce provenant des frères de la San-ho-hoeï.