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d’offrir le sacrifice moi-même et de bénéficier ainsi des grâces divines accordées au sacrificateur, je me suis immédiatement transporté parmi vous… Mon grade de Mage Élu et tous mes titres priment ceux du docteur notre frère, à qui vous veniez de remettre le glaive des holocaustes… Ce glaive, je le revendique au nom et en vertu de tous mes droits !…

En disant ces mots, il avait vivement traversé la salle et s’était avancé jusqu’à moi ; il me prit l’arme meurtrière, avant que je la lui eusse donnée. Je vis le robuste vieillard saisir le glaive à deux mains, et, de toute sa force, il donna un grand coup.

J’entendis craquer des vertèbres, et un larynx, fouetter des muscles, le gros choc d’une tête qui tombait et roulait sur le sol, pendant qu’un flot de sang chaud, sorti vigoureux des deux carotides béantes, giclait en l’air, si violemment que je fus atteint par le jet, tandis qu’une masse molle s’affaissait à côté du billot, en un bruissement flasque ; c’était le corps d’Yéo-hwa-tseu que rien ne retenait plus et qui s’écroulait à son tour.

Rapide comme l’éclair, Walder avait ramassé la tête, et il la tenait haute par les oreilles, lui criant :

— Dis, toi qui es déjà avec notre Dieu et qui as maintenant l’omniscience, dis : ma fille, ma Sophie bien-aimée, guérira-t-elle ?

Alors, lentement, les deux yeux de la tête s’ouvrirent et roulèrent dans leur orbite, faisant très distinctement le signe « oui » par un clignement des paupières. Puis, la tête pâlit subitement, absolument exsangue et immobile en un instant, froide définitivement dans la mort.

C’en était trop. Je me sentais défaillir. Je m’appuyai contre une des colonnettes torses de l’autel du Dragon ; mais, aussitôt, deux frères de l’orient se précipitèrent vers moi et me reçurent dans leurs bras. Pourtant, je ne perdis pas tout à fait connaissance, au premier moment. Je vis, comme dans un nuage, le président de l’assemblée arracher à Walder le glaive dont il venait de se servir et s’élancer sur moi, la pointe en avant, pour me percer le cœur. Je l’entendis, disant :

— Puisqu’il s’évanouit comme une femme, il n’est pas digne de nos mystères ; qu’il meure donc avant d’avoir trahi nos secrets, trop terribles pour lui !

Je vis, toujours vaguement, Walder s’interposer, engager presque une lutte avec le grand-sage, et je l’entendis qui lui répliquait :

— Eh ! non, il ne dira rien ; je réponds de lui ; j’ai eu des preuves de son courage. Mais il appartient au Palladium depuis très peu ; c’est moi-même qui l’ai créé Hiérarque ; il n’est pas habitué aux sacrifices de la San-ho-hoeï. En tout cas, il fait partie de mon grand triangle, et je n’ai rien à lui reprocher. Veto !