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Mais, avant d’entreprendre la narration de ce que j’ai vu, — de mes yeux vu, je le répète, — et d’y joindre ce que j’ai recueilli soit de la bouche de Carbuccia, soit de celle d’autres témoins, il me parait indispensable de donner au lecteur quelques explications sur l’occultisme, de faire un court classement de ses principales pratiques.

Dans un ouvrage comme celui-ci, il serait mauvais de publier, en suivant strictement leur ordre chronologique, les études et les découvertes de l’auteur. J’ai, en effet, appris et constaté certaines choses, appartenant à telle ou telle classe de la magie moderne, et cela, je l’ai connu en dehors de toute progression régulière des faits, c’est-à-dire au hasard de mes fréquentations de ces diverses sociétés secrètes, au cours de mes nombreux voyages. Inscrire mes observations d’après leurs dates, serait courir le risque de soumettre au public une œuvre confuse ; les initiés seuls pourraient s’y reconnaître. Il est donc plus logique, après toutefois avoir raconté ma première incursion dans ce monde inconnu, de classer les révélations que j’ai à faire, par catégories ; et je vais, tout d’abord, en indiquer les grandes divisions.

Ce livre ne saurait être trop clair, puisque son but est de dévoiler des choses tenues cachées avec le soin le plus jaloux. L’auteur doit aussi aller au devant des critiques des personnes qui seraient tentées de révoquer en doute, arbitrairement, avant même un examen quelconque, la véracité de cette œuvre de divulgation. Il me faut prévoir toutes les objections, aussi bien celles des croyants que celles des sceptiques.

Une des rengaines des esprits forts contemporains, est celle qui consiste à dire en se moquant : « Les sorciers ! la magie ! les évocations ! tout cela, c’est de la vieille histoire ! C’était bon pour le moyen-âge. Dans le siècle de l’électricité et des chemins de fer, il n’y a plus rien de tout cela. Les morts restent dans leurs tombes, faute de pythonisses, et Satan lui-même n’apparaîtrait plus, si quelque aliéné par impossible l’évoquait. »

Que de sceptiques, que d’incrédules qui parlent ainsi !… Il y a des gens qui se refusent à croire au surnaturel, même s’ils étaient mis en présence d’un phénomène indiscutable. On connaît ce mot d’un athée célèbre : « Je ne crois à rien ; mais, si j’étais témoin d’un fait surnaturel évident, je sens que je deviendrais fou. » Un tel raisonnement dénote le parti-pris poussé au plus haut degré. Certes, il ne faut pas croire à tout ce qui est raconté en matière de spiritisme ; mais l’Église elle-même nous enseigne que, dans ces pratiques, s’il y a souvent supercherie, il y a aussi parfois œuvres surnaturelles réelles, qui émanent alors de l’action des démons.

Les sceptiques, il est vrai, ne s’engagent pas sur ce terrain ; ils nient,