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Il procéda immédiatement aux conjurations, qu’il prononça en chinois ; ce fut la seule circonstance de cette tenue où les frères de la San-ho-heï ne s’exprimèrent pas en anglais. Ce qu’il débita ainsi, je l’ignore ; je n’ai trouvé nulle part, ensuite, dans mes visites aux archives des divers directoires maçonniques, le texte de ces conjurations, exclusivement employées dans le Rite Céleste. Mais il est facile de s’imaginer quel devait être le sens de cet appel à Baal-Zéboub, dont les lucifériens chinois ont fait Zi-ka.

Tout en parlant, le grand-sage agitait au-dessus de l’eau de la vasque une baguette qu’il tenait à la main, et sa voix avait des intonations rauques, gutturales.

Or, voici que, pendant qu’il prononçait les formules rituelles, et tandis que nous nous penchions vers la nappe d’eau limpide et claire, sans une ride, nous aperçûmes tout à coup un petit point noir, à peine gros comme un fragment d’allumette en bois, et ce minuscule objet flottant avait une miniature de cheminée, presque imperceptible, d’où se dégageait un infiniment petit panache de vapeur ; et ce vaisseau, moins que lilliputien, glissait doucement à la surface, dans une marche presque impossible à suivre, tant ce mouvement en avant était merveilleusement infime.

Ce navire, comparable à un atome, représentait le paquebot à bord duquel étaient les missionnaires désignés aux fureurs de la société luciférienne.

Le grand-sage du Milieu, toujours de sa voix rauque, comme étranglée, vomissait ses imprécations, le visage convulsé. Il conjurait Baal-Zéboub de soulever un ouragan formidable pour engloutir le vaisseau, dont la reproduction infinitésimale était sous nos yeux. Alors, dans le temple, bien que les portes fussent fermées, bien qu’aucune fenêtre ne fût ouverte, un vent s’éleva de lui-même, soufflant avec une violence progressive, formé là sur place, ne venant de nulle part. Mais l’eau de la vasque ne bougea pas ; pas un remous, si minime fût-il, n’en effleura la surface.

La conjuration redoubla. Le grand-sage nous invita à former la chaîne magique ; en quoi nous lui obéîmes. Lui, reprenant son appel à Baal-Zéboub, il s’excitait de plus en plus ; sa baguette, tendue vers le minuscule navire, tremblait entre ses doigts. Et le vent maintenant soufflait en tempête dans la salle, au point que nos vêtements flottaient et que, les Anglais et moi, nous retenions à grand’peine nos chapeaux, pour ne pas les voir s’envoler. Rien encore ; l’onde demeurait immobile, ans un pli ; l’ouragan déchaîné sur l’assemblée s’arrêtait net au bord de la vasque.

Le grand-sage se fit apporter la relique de Baal-Zéboub, enfermée