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simple témoin, faisant serment dans mon cœur de refuser mon concours à tout acte contraire à ma foi, s’il m’était demandé, et quels que soient les dangers que mon refus pourrait me faire courir.

Dès que cette idée m’eut saisi, elle ne m’abandonna plus.

« Je serai, dis-je, l’explorateur, et non le complice du satanisme moderne. »

Le reste du voyage, on le comprend, ne fut qu’une longue suite de conversations avec Carbuccia, à qui je fis répéter cent et cent fois les mêmes histoires, qu’après l’avoir quitté j’écrivais pour plus de sûreté. Je me fis aussi donner par lui de nombreux renseignements, principalement ceux qui étaient de nature à m’aider à procéder à mon enquête.

À Naples, je fis la connaissance du signer Peisina, le grand hiérophante italien du rite de Memphis. Informé comme je l’étais, il me fut facile de le convaincre que j’étais déjà au courant des pratiques cabalistiques ; aussi n’hésita-t-il point à m’octroyer, d’autant plus aisément, du reste, que je ne marchandai pas, un diplôme, avec les insignes, non pas du 35e grade oriental, mais bien du 90e. Je fus donc, moyennant cinq cents francs, créé Souverain Grand Maître ad Vitam, sans avoir d’épreuves à subir, et surtout sans avoir de serment à prêter au prétendu divin Grand Architecte, — ce qui était pour moi l’essentiel.

Grâce à ce diplôme et à ces insignes, grâce aussi à l’enseignement des signes de reconnaissance et des mots de passe, donné partie par Carbuccia, partie par Peisina, j’ai donc pu pénétrer dans les arrière-loges et de là dans des réunions occultistes, interdites même aux francs-maçons vulgaires ; et ce que je vais raconter, je l’ai, soit recueilli de la bouche de lucifériens qui n’avaient aucun motif de chercher à me tromper, soit vu moi-même, de mes yeux vu.

La fin de mon récit montrera que Carbuccia s’est définitivement réconcilié avec Dieu.

Docteur BATAILLE.
Paris, 29 septembre 1892, fête de saint Michel.