Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mur demeura quelques instants sombre et sans apparitions réelles ; mais il pétillait par intervalles ; un petit point y brillait, comme une étincelle, comme une étoile aussitôt disparue ; et cela crépitait avec une légère fumée répandant une odeur d’ail, des plus caractéristiques aussi. Cela se renouvelait constamment. On eût dit que le mur voulait parler, qu’il y avait en lui une pluie d’étincelles prêtes à sortir pour se réunir, pour former quelque chose, un tout, une image, mais qu’une cause inconnue empêchait momentanément la réussite de ce nouveau phénomène.

Enfin les pétillements d’étincelles redoublèrent, se multiplièrent, formant à présent des lignes courbes, droites, brisées, tordues, des dessins fantastiques, des arabesques, des caractères étranges qui n’appartenaient à aucune langue humaine, comme si c’eût été des signatures de démons. Il y en avait de toutes les sortes et de toutes les formes.

Le grand-maître Spencer, toujours dans la chaire, immobile, les bras étendus en avant, prononçait maintenant des mots, lentement, gravement, les espaçant avec méthode ; et c’était des noms de diables qu’il proférait ainsi ; au fur et à mesure, les étincelles du mur se réunissaient alors en un tracé de signature diabolique. Ces noms étaient : Sinbuck, Dagon, Zarobi, Pharzuph, Eirnéus, Moloch, Hatiphas, Suzabo, Zaren, Ouriel, Jaser, Sialul, Colopatiron, Astaroth, Hizarbin, Azeuph, etc., etc. Quand il prononça le nom Baal-Zéboub, aussitôt les points lumineux et pétillants du mur formèrent le hiéroglyphe qui est sous les pieds du Baphomet, inscrit sur la boule terrestre (voir page 89). Et toutes ces signatures, bizarrement variées, semblaient, par leurs traits de feu, des éclairs zébrant le mur ; il y en avait d’entortillées comme une queue de cochon, d’autres qui écrivaient le nom prononcé, mais dans une forme contournée, biscornue, d’autres enfin dont les traits simulaient des animaux, le plus souvent immondes.

Tout cela apparaissait instantanément, mais avec une netteté parfaite, sur la muraille dont le fond restait obscur, tandis que là-bas, l’autel du Baphomet fluoresçait toujours et que le grand-maître en chaire avait un aspect fantastique, ruisselant de phosphore au milieu de cette chaire également phosphorée qui semblait une gueule infernale grande ouverte.

Finalement, une énorme tête de diable parut sur le mur, très lumineuse, mais qui ne resta que trois secondes à peine, pendant lesquelles elle roula ses yeux et ouvrit la bouche, comme si elle allait parler.

Alors, la lumière revint brusquement, les lampes de la salle se rallumèrent d’elles-mêmes, tandis que la lueur de l’autel du Baphomet et de la chaire s’éteignait. Les draperies blanches reprirent leur place, roulant sur leurs tringles, tirées par les frères servants.