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encore il ne peut assister à la séance qu’après avoir eu son courage terriblement éprouvé.

— Mon courage ne faiblira pas, très illustre frère, répondis-je ; éprouvez-moi.

— Vous ne redoutez point la mort ?

— Je l’ai bravée cent fois.

— Même la mort qui vous saisit et contre laquelle il est impossible de se défendre ?

— Éprouvez-moi, vous dis-je ; je suis prêt.

Mentalement, je fis une courte prière. Puis, je pensai aux quelques parents qui me restent et qui étaient si loin de moi, habitant l’Europe ; je pensai aussi à miss Mary D*** et au cantique à la Vierge qu’elle m’avait chanté la veille.

Ainsi que je venais de le déclarer, j’étais maintenant prêt à tout.

Le messager que le frère Walder avait envoyé à Cresponi au restaurant, et que nous avions rencontré en route, arrivait alors, agitant les grelots de son bâton de coudrier fourchu.

À ce bruit, les portes du temple s’ouvrirent. Le messager entra, secouant ses grelots plus fortement que jamais. Le frère Hobbs parut à son tour, et, me prenant par la main :

— Venez, me murmura-t-il à l’oreille, et recommandez-vous à notre dieu.

Je pénétrai avec lui et le courrier indien dans le temple. Le frère Hobbs me fit placer, ainsi que le messager, au centre d’une sorte d’arène en fer à cheval, dont la partie ouverte faisait face à l’orient où trônait l’immanquable Baphomet. Tout autour de la petite muraille qui bordait l’arène, s’élevaient des gradins où prirent place les assistants. Les grandes et épaisses murailles du local étaient garnies de niches, comme celles destinées à des statues ; ces niches, en assez grand nombre, étaient occupées par des Indiens, qui avaient chacun à la main une sorte de flûte emmanchée dans une grosse calebasse, mais qui ne jouaient pas de cet instrument dont j’avais déjà vu les charmeurs de serpents se servir sur les places publiques. La salle était éclairée d’une très douce lumière.

Un Indien apporta, dans un panier, un serpent vivant que le frère Hobbs piqua adroitement à la tête avec une petite fourche en fer ; le reptile se débattit un instant ; il fut tué.

Là-dessus, le frère Hobbs me commanda de me dépouiller de tous mes vêtements sans exception, et me remit un tablier maçonnique. Ce fut, avec le cordon de mon grade de Memphis, tout mon costume ; mes effets furent déposés sur un escabeau, auprès de moi. Le messager se tenait à dix pas, ne cessant d’agiter ses grelots. Alors, le frère Hobbs traîna par