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centaines de mille, pêle-mêle confondus, pourrissent au soleil les cadavres d’hommes et les charognes d’animaux, où une tête humaine côtoie le sabot d’un cheval, ou sur le corps d’un homme, placé là comme par hasard, on rencontre des têtes de veau mort-né, d’éléphant, de tortue, comme en un formidable sabbat de pourritures et de squelettes.

Tout, en un mot, dans ce pays de pestilence, tout pue, obsède le cadavre.

La mort, et toujours la mort, sous toutes ses faces et sous tous ses aspects : humide et visqueuse, dans l’eau croupie ; carbonisée ou fumante, dans le feu, sous le ciel ; putréfiée et noire, sur le sol marécageux ; ou blanche d’ossements parsemés, comme une mosaïque funèbre, dans la terre sèche. Partout c’est encore la mort, et la mort païenne, bestiale, diabolique, pour dire la vérité ; car, si le chrétien aspire à la mort calme et décente, le luciférien, qui est le pire des fanatiques et qui se complaît dans l’horrible, recherche comme une volupté sainte le trépas cruel et se vautre à plaisir au sein des plus immondes putréfactions.

Et ici, de nouveau, je ne saurais trop prier le lecteur de ne pas croire à du roman ; tout ce que je dis et tout ce que j’aurai encore à dire, est de la plus scrupuleuse exactitude, de la plus scientifique vérité. Mais il est utile, indispensable de faire ressortir cela, de surmonter une légitime répugnance pour montrer cette mise en scène infernale, afin que l’on voie clairement qu’à travers les oripeaux dont les contes de pseudo-voyageurs l’ont parée, sous cette Inde de rajahs et de bayadères, s’exhibe l’Inde des fakirs, des sectateurs de l’esprit du mal ; et c’est là un tableau fidèle où apparaît très distinctement, écrite, non en hiéroglyphes, mais en caractères, en lettres bien nettes pour ceux qui savent voir et lire, la signature exécrable de Satan, peintre de ce fantasmagorique décor, suprême grand maître de ces populations dégradées, avilies depuis des siècles ; et toutes ces puanteurs respirent sa présence, exhalent sa manifestation permanente ; c’est bien là un des endroits du globe les plus propices à sa communication avec ses élus.

Vraiment, la franc-maçonnerie des arrière-loges ne pouvait trouver mieux que Calcutta pour y établir son directoire asiatique et océanien.

Entre chaque voyage, le Meïnam restait douze jours dans le port de la capitale indienne, c’est-à-dire plus qu’il ne m’en fallait pour étudier, dans cette première excursion, les agissements des chefs inconnus de la secte internationale, et pour prendre le temps de mettre mes notes au clair, de consigner les résultats de mon enquête préliminaire.

Calcutta est aujourd’hui la plus grande ville de l’Inde, la plus peuplée, la plus riche. Elle n’est pas, elle ne sera jamais la métropole des Hindous ; il lui manquera, pour le devenir, le prestige des traditions et la