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CHAPITRE V

Deux gros-bonnets de l’occultisme.




Ainsi que je l’expliquerai plus tard avec tous les détails nécessaires, Calcutta est le siège de l’un des quatre Grands Centres Directeurs de la franc-maçonnerie universelle. Dans la capitale politique des Indes se tient le haut et souverain conseil de tous les rites pour l’Asie et l’Océanie. Mais le Directoire de Calcutta et les trois autres reconnaissent au-dessus d’eux, comme autorité spirituelle, si l’on peut s’exprimer ainsi, le Suprême Directoire Dogmatique de Charleston, dont le président est en réalité le souverain pontife de toutes les sectes occultes, disons le mot, l’antipape.

Ici encore, comme dans toute cette région du sud de l’Asie, la nature et les mœurs des habitants semblent prêter au satanisme et être comme le reflet de ce choix maudit.

On sait que la franc-maçonnerie affectionne surtout l’horrible, le macabre. Eh bien, à Calcutta, la mort se montre sous toutes ses formes. À côté des cataclysmes de la nature, inondations, ouragans et typhons, qui y sont comme la normale du temps, les grands fléaux, peste et choléra, y sont comme la normale de la santé. Ceux qui échappent aux éléments et aux épidémies, sont dévorés par les fauves ou piqués par les serpents. La superstition, qui pousse au suicide, achève le reste. Telles sont les causes de décadence de cette race indienne si ancienne, remontant presque sans mélange aux premiers âges du monde, si puissante par le nombre, mais si faible par son abaissement intellectuel. L’Inde a eu cette singulière fortune d’avoir été conquise sitôt connue et d’avoir toujours eu des maîtres.

Dans l’Inde on rencontre le cadavre à chaque pas : bûchers, ou les suttees (veuves) se brûlent aujourd’hui encore, malgré tout, et qui fument dans le Ciel ; Gange et Brahmapoutra, qui charrient dans leurs eaux limoneuses et empoisonnées les cadavres de parias que l’on y jette, et qui roulent, crevés, le ventre ballonné, jusqu’à la mer ; tours élevées, appelées « tours des morts », au sommet desquelles les parsis exposent les corps de leurs trépassés, entre ciel et terre, afin que les vautours, les gyps et gypaètes, viennent, pensent-ils, les transporter lambeaux par lambeaux au séjour des bienheureux ; plaine de Dappah, enfin, cet ossuaire gigantesque aux portes même de la ville, ce charnier de plusieurs lieues d’étendue, où, par innombrables milliers, par plusieurs