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Tu es Initiatus : celui que d’autres ont mis sur la voie. Efforce-toi de devenir Adeptus : celui qui a conquis la science par lui-même. En un mot, deviens le fils de tes œuvres.

Notre Ordre, je te l’ai dit, borne ses prétentions à l’espoir de féconder les bons terrains, en semant partout la bonne graine ; les enseignements des S∴ I∴ sont précis, mais élémentaires.

Soit que ce programme secondaire suffise à ton ambition, soit que ta destinée te pousse un jour au seuil du temple mystérieux où rayonne, depuis des siècles, le lumineux dépôt de l’Ésotérisme Occidental, écoute les dernières paroles de tes Frères inconnus ; puissent-elles germer dans ton esprit et fructifier dans ton âme !

Je te proteste que tu peux y trouver le criterium infaillible de l’Occultisme, et que la Clef de voûte de la synthèse ésotérique est bien là, non pas ailleurs. Mais à quoi sert d’insister, si tu peux comprendre et si tu veux croire ? Dans le cas contraire, à quoi bon insister encore ?

Tu es bien libre de prendre ce qui me reste à dire pour une allégorie mystique ou pour une fable-littéraire sans portée, ou même pour une audacieuse imposture…

Tu es libre ; mais Écoute. — Germe ou périsse la graine, je vais semer !

En principe, à la racine de l’Être est l’Absolu ;

L’Absolu. — que les religions nomment Dieu, — ne se peut concevoir, et qui prétend le définir en dénature la notion, en lui assignant des bornes ; un Dieu défini est un Dieu fini.

Mais de cet insondable Absolu émane éternellement la Dyade androgynique, formée de deux principes indissolublement unis : l’Esprit vivificateur, et l’âme vivante universelle.

Le mystère de leur union constitue le grand arcane du Verbe.

Or, le Verbe, c’est l’Homme-collectif considéré dans sa synthèse divine, avant sa désintégration. C’est l’Adam Céleste, avant sa chute ; avant que cet Être Universel se soit modalisé, en passant de l’Unité au Nombre ; de l’Absolu au

    conclure l’invisible de ce qui est visible. » Cité par Eckert, la Franc-Maçonnerie dans sa véritable signification, traduction française, tome I, page 274.)
    Voir aussi le Rituel du grade de Maître, publié pour les francs-maçons en 1860 par Ragon. Le « Catéchisme du Maitre » s’y termine ainsi (pages 34-35) :
    « D. — L’étude des grades maçonniques conduit-elle à la connaissance de la vérité ?
    « R. — Aucun grade connu n’enseigne ni ne dévoile la vérité ; seulement, il désépaissit le voile, et le néophyte qui sait profiter des documents qu’il reçoit, sait plus et mieux que celui qui sort d’un collège profane de philosophie. Les grades pratiqués jusqu’à ce jour ont fait des maçons et non des initiés.
    « D. — Pouvez-vous me dire le secret de la Franc-Maçonnerie ?
    « R. — Le secret de la Maçonnerie est, par sa nature même, inviolable : car le maçon qui le connait ne peut que l’avoir deviné. Il l’a découvert en fréquentant les loges instruites, en observant, en comparant, en jugeant. Une fois parvenu à cette découverte, il le gardera à coup sûr, pour lui-même, et ne le communiquera pas même à celui de ses frères en qui il avait le plus de confiance ; car, dès que celui-ci n’a pas été capable de faire cette découverte, il est aussi incapable de tirer parti du secret, s’il le recevait oralement. »
    Le F∴ Ragon ajoute en note :
    « Ces ingénieuses paroles (c’est-à-dire la définition de l’inviolabilité du secret maçonnique) sont du célèbre J.-J. Casanova, né à Venise en 1725, initié à Lyon en 1757, et à qui Crébillon apprit le français. »
    Or, l’aventurier Casanova, auteur des plus obscènes mémoires qu’un homme ait écrit, était un sataniste déclaré.