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      Oui, oui, j’en aurai le courage.
Je veux, lâche oppresseur, insulter à ta rage.
Le jour, j’attacherai la crainte à ton côté,
La haine s’offrira partout sur ton passage ;
      Et la nuit, poursuivi, troublé,
Lorsque de ses malheurs ton esclave accablé
      Cède au repos qui le soulage,
Tu verras la révolte, aux poings ensanglantés,
Tenir à ton chevet ses flambeaux agités.

La voilà ! la voilà ! C’est son regard farouche ;
      C’est elle ; et du fer menaçant,
      Son souffle, exhalé par sa bouche,
Va dans ton cœur porter le froid glaçant.
Éveille-toi ; tu dors au sein de la tempête ;
      Éveille-toi, lève la tête ;
Écoute, et tu sauras qu’en ton moindre sujet,
      Ni la garde qui t’environne,
Ni l’hommage imposant qu’on rend à ta personne,
N’ont pu de s’affranchir étouffer le projet.

L’enfant de la Nature abhorre l’esclavage ;
Implacable ennemi de toute autorité,
Il s’indigne du joug, la contrainte l’outrage.
Liberté ! c’est son vœu ; son cri, c’est liberté !
      Au mépris des liens de la société,
Il réclame en secret son antique apanage.
      Des mœurs ou grimaces d’usage
Ont beau servir de voile à ta férocité ;
      Une hypocrite urbanité,
Les souplesses d’un tigre enchaîné dans sa cage,
      Ne peuvent tromper l’œil du sage,
      Et, dans les murs de la cité,
      Il reconnaît l’homme sauvage
S’agitant sous les fers dont il est garrotté.

On a pu l’asservir, on ne l’a pas dompté.
      Un trait de physionomie,
      Un vestige de dignité
Dans le fond de son cœur, sur son front est resté ;
      Et mille fois la tyrannie,
Inquiète où chercher de la sécurité,
A pâli sous l’éclair de son œil irrité.

      C’est alors qu’un trône vacille,
      Qu’effrayé, tremblant, éperdu,
D’un peuple furieux le despote imbécile
Connait la vanité du pacte prétendu.
Répondez, souverains : qui l’a dicté, ce pacte ?
      Qui l’a signé ? qui l’a souscrit ?
Dans quel bois, dans quel antre en a-t-on dressé l’acte ?
      Par quelles mains fut-il écrit ?