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suprême et vraiment universelle ; car c’est elle qui se manifeste et s’impose (multiforme, il est vrai, mais essentiellement identique à elle-même) sous les voiles de tous les cultes exotériques d’Occident comme d’Orient.

Psychologue, donne à ce sentiment le nom que tu voudras : Amour, Solidarité, Altruisme, Fraternité, Charité ;

Économiste ou Philosophe, appelle-le Socialisme, si tu veux… Collectivisme, Communisme… Les mots ne sont rien !

Honore-le, Mystique, sous les noms de Mère-Divine ou d’Esprit-Saint.

Mais, qui que tu sois, n’oublie jamais que dans toutes les religions réellement vraies et profondes, c’est-à-dire fondées sur l’Ésotérisme, la mise en œuvre de ce sentiment est l’enseignement premier, capital, essentiel, de cet Ésotérisme même.

Poursuite sincère et désintéressée du Vrai, voilà ce que ton Esprit se doit à lui-même ; paternelle mansuétude à l’égard des autres hommes, c’est là ce que ton Cœur doit au prochain.

Ces deux devoirs exceptés, notre Ordre ne prétend pas t’en prescrire d’autres, sous un mode impératif, du moins.

Aucun dogme philosophique ou religieux n’est imposé davantage à ta foi, — Quant à la doctrine dont nous avons résumé pour toi les principes essentiels, nous te prions seulement de la méditer à loisir et sans parti pris. C’est par la persuasion seule que la Vérité Traditionnelle veut te conquérir à sa cause !

Nous avons ouvert à tes yeux les sceaux du Livre ; mais c’est à toi d’apprendre à épeler d’abord la lettre, puis à pénétrer l’Esprit des mystères que ce livre renferme.

Nous t’avons « commencé » ; le rôle de tes Initiateurs doit se borner là. Si tu parviens de toi-même à l’intelligence des Arcanes, tu mériteras le titre d’Adepte ; mais sache bien ceci : c’est en vain que les plus savants mages de la terre te voudraient révéler les suprêmes formules de la science et du pouvoir magique ; la Vérité Occulte ne saurait se transmettre en un discours[1] ; chacun doit l’évoquer, la créer et la développer en soi.

  1. Au demeurant, lorsqu’il déclare au récipiendaire que la vérité occulte doit être devinée par lui, sans qu’il soit besoin de la lui communiquer oralement, le F∴ Stanislas de Guaita, qui est le Ragon du Martinisme contemporain, se conforme à la tradition de la franc-maçonnerie, à cette règle générale établie par tous les créateurs de rites et qui n’a d’exception que dans le Palladisme et la deuxième classe des Odd-Fellows.
    Drœseke, maçon allemand des hauts grades, disait en 1849, dans un discours prononcé à la loge le Rameau d’Olivier, de Brême :
    « Avant tout, nous considérons la Maçonnerie comme une institution émanant de la divinité. Celui qui a recevra jusqu’à ce qu’il soit rassasié. Mais à celui qui n’a rien, la Maçonnerie ne peut rien donner ; elle l’appauvrit même au sein d’une richesse apparente. Dans nos temples, il est sans cesse question d’un secret ; même, pour parler plus exactement, on ne parle que de ce secret. Ce secret, on ne peut le cacher à celui qui a des yeux : celui-là le pénètre sans la loge, il est initié sans même être entré dans nos sanctuaires. Tel autre ne parviendra jamais à le connaître, pas même par la loge et par le moyen de tous ses grades : c’est un profane, fût-il même assis à l’orient du temple et fît-il briller sur sa poitrine les bijoux du grand-maître.
    « Les moyens mêmes que nous employons pour résoudre ce problème, nous symboles, nos images, nos signes, nous les regardons comme des secrets. Pour quelle raison et de quel droit agissons-nous ainsi ?
    « Nos symboles ne sont point des bilboquets qui servent à tuer le temps et à amuser les enfants ; ils sont les vases sacrés où le saint des saints est conservé et exposé aux regards des initiés. Telles sont les paroles (mots de passe et mots sacrés), que l’on profanerait, si on les jetait devant des animaux immondes. Nos symboles ne sont pas l’objet représenté ; ils ne sont que des allusions, des réminiscences : par eux, l’esprit est stimulé à faire des efforts pour