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« … Commençons par observer l’institution la plus respectée et la plus universellement répandue dans tous les peuples, celle qu’ils regardent avec raison comme ne devant pas être l’ouvrage de leurs mains. Il est bien clair, par le zèle avec lequel toute la terre s’occupe de cet objet sacré, que tous les hommes en ont en eux et l’image et l’idée. Nous apercevons chez toutes les nations une uniformité entière sur le principe fondamental de la religion. Toutes reconnaissent un être supérieur qu’il faut prier ; toutes le prient.

« Cependant, les soins que tous les peuples se donnent pour honorer le premier être nous présentent, comme toutes les autres institutions, des différences et des changements successifs et arbitraires dans la pratique comme dans la théorie, en sorte que, parmi toutes les religions, on n’en connait pas deux qui l’honorent de la même manière. Or, je le demande, cette différence pourrait-elle avoir lieu, si les hommes auraient pris le même guide et qu’ils n’eussent pas perdu de vue la seule lumière qui pourrait les éclairer et concilier ? »


Nous, catholiques, nous croyons que, s’il y a plusieurs religions sur le globe, c’est parce que la vérité du christianisme n’a pas encore conquis les âmes de millions d’idolâtres et parce que d’autre part il y a eu des schismes et des hérésies qui ont retranché des âmes du sein du vrai christianisme ; mais nous espérons que les hérétiques et les schismatiques finiront par revenir un jour à l’Église et que les païens seront aussi finalement convertis. Voilà comment nous comprenons que l’unité de religion se fera sur le globe.

Saint-Martin, lui, condamne toutes les religions actuellement connues, c’est-à-dire pratiquées publiquement ; selon lui, elles sont toutes fausses, toutes imbues d’erreur. Pour savoir comme il convient d’honorer la divinité, et, par conséquent, pour bien comprendre la divinité, aucune nation n’a songé à se laisser guider par le bon guide, qu’il ne nomme pas ; toutes ont perdu de vue la vraie lumière.

C’est depuis l’arrêt prononcé contre lui au paradis terrestre que l’homme a été dépouillé de sa force morale et que, croyant n’avoir d’autre loi que celle de sa volonté, il a marché au hasard, sans s’inspirer, comme il aurait dû le faire de cette cause active et intelligente qui ne veut que son bien, mais dont Saint-Martin s’obstine à ne pas imprimer le nom.

Continuons, pourtant.


« C’est donc parce qu’il s’éloigne de cette lumière, que l’homme demeure livré à ses propres facultés. Et cependant, quoiqu’il ne sache plus si l’hommage qu’il offre au premier être est vraiment celui que cet être exige, il préfère en rendre un, tel qu’il le conçoit, à la secrète inquiétude et au regret de n’en point rendre du tout.

« Tel est, en partie, le principe qui a formé les fausses religions et qui a défiguré 'celle que toute la terre aurait dû suivre. Alors, pourrons-nous être surpris de voir si peu d’uniformité dans les usages pieux de l’homme et de son culte, de lui voir produire toutes ces contradictions, toutes ces pratiques opposées, tous ces