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« L’année 1757 (date des révélations de Swedenborg) s’écriaient les Swedenborgiens, deviendra bientôt aussi mémorable que celle de l’Incarnation. »

Après Richer, les deux plus grands apôtres de la Nouvelle-Jérusalem en France sont Le Boys des Guays et Harlé, celui-ci, comme prédicateur, le premier comme traducteur de Swedenborg. Dès 1837, Le Boys des Guays avait ouvert un culte public à Saint-Amand, pour recruter des adeptes à diriger ensuite vers le satanisme ; il avait été conduit à Swedenborg par l’étude de l’occultisme ; il résolut dès lors de faire connaître au monde dans la langue française les œuvres complètes du révélateur suédois, et poussa à bout cette grande entreprise ; il y mit sept ans, en traduisant dix pages par jour, et se servant d’une plume d’or, « consacrée au Dieu-Caché. » Vers 1848, il organisa à Paris les réunions swedenborgiennes, qui se continuèrent vers 1866 chez M. Minot, rue de Sèvres, et dans l’appartement du Dr Poirson, rue des Grands-Augustins, 18, où l’on entendit plusieurs années les prédications de M. Harlé ; le Dr Poirson lui succéda jusqu’en 1880. Un autre centre de réunions swedenborgiennes se tenait à Passy, rue de la Faisanderie : la prêtresse de ces réunions était une étrange Américaine, Mlle Holms, qui rêvait d’installer en plein cœur de Paris un temple swedenborgien. M. Human, séduit autant par les beaux yeux de Mlle Holms, que par les doctrines de la nouvelle église, constitue avec elle le « couple-prêtre », préconisé par Swedenborg, et ils consacrèrent une partie de leur fortune à la construction du temple privé de la rue Thouin, plus froid et plus vide encore qu’un temple calviniste. Sur le mur s’étale une fresque symbolique, guirlande mystique, composée de l’olivier, emblème du Divin Bien, de la vigne, emblème du Vrai, et du figuier, emblème du Bien Naturel. On y communie deux fois par an, à Pâques et à Noël, sous les deux espèces. Bien entendu ce n’est là qu’un pur symbole. C’est là que les Swedenborgiens actuels, du groupe dit des orthodoxes, célèbrent leur culte, sous les auspices du patriarche Human et du pasteur Décembre.

D’autres, les schismatiques, les disciples restés fidèles à Cahagnet, se réunissent mensuellement chez M. Allar, et s’adonnent principalement aux pratiques du magnétisme. « J’ai vu là, dit Jules Bois[1], un sujet nommé Ravet qui converse avec feu Cahagnet, quand le thaumaturge, M. Allar, l’endort… On l’écoute respectueusement ; car, m’a-t-on expliqué, l’âme de feu Cahagnet, à ces moments sacrés, habite en lui. M. Lecomte, de Noisy-le-Roi, naturaliste, imprégné des plus subtiles spiritualités, l’interroge sur les plantes, et M. Allar sur la métaphysique, tous deux avec conscience et perspicacité.

« Ces étudiants, au nombre de quarante à peu près, forment le plus extra-

  1. Jules Bois : les Petites Religions de Paris.