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médecin, qui publia le premier journal périodique de la nouvelle Église à Londres : le Journal New-Jerusalimit, pendant que Servanté fondait le New-Jerusalem Magazine.

Un révérend d’origine française, le R. Duché, est l’un des fondateurs de la Nouvelle-Église aux États-Unis.

Au xixe siècle, la recrudescence de la propagande swedenborgienne en France remonte à l’année 1820. Une première société, petit cénacle absolument fermé aux profanes, s’organisa chez Gobert, avocat à la Cour royale de Paris, un fougueux adversaire du catholicisme dans des opuscules parus sous l’anonymat d’un Ami de la Sagesse et de la Vérité (1821). Mais le véritable missionnaire de la Nouvelle-Jérusalem fut à cette époque le capitaine Bernard. Celui-ci, en garnison à Bordeaux, convertit à la nouvelle église la plupart des officiers du 23e de ligne, son régiment ; puis en 1825, il répandit la doctrine et le culte en Espagne, s’affiliant à Madrid à un moine défroqué, dom Antonio : « C’est ainsi, dit la Nouvelle-Jérusalem, que la nouvelle doctrine pénétrait dans la péninsule à l’abri d’une épaulette française. Laissons ces premiers germes se développer sans bruit ; ils apparaitront au grand jour, lorsque le moment sera arrivé, pour la nation espagnole de briser le joug du Catholicisme romain, comme elle a déjà secoué celui du pouvoir absolu. »

Le capitaine Bernard, fanfaronnade bien digne d’un sataniste, se vantait d’avoir converti à Swedenborg l’évêque de Barcelone et le général Palafox. Il joignait à sa propagande doctrinale des opérations thaumaturgiques, des incantations magnétiques. Une de ses plus ardentes disciples, Mme de Saint-Amour, opérait des guérisons et interprétait les songes. De retour en France, il jeta les germes de la Nouvelle-Jérusalem à Bayonne, à Tarbes, à Toulouse, à Nantes. À Paris, en 1826, un prêtre, premier vicaire de Notre-Dame de Paris, l’abbé Œgger[1], converti par lui, abjurait le catholicisme pour se mettre sous la direction de Bernard et de Gobert, et devenait un des plus zélés apôtres de l’église nouvelle. À Besançon, Bernard ralliait à sa secte le général de Bissy et le professeur Genisset.

D’autre part, l’abbé Ledru, curé de Levès, petit village sur les confins de la forêt de Dreux, prêchait ouvertement Swedenborg. L’interdiction même ne lui imposait pas silence ; vers 1833, il louait une grange, y installait le nouveau culte, qui réunissait 400 fidèles. Un délégué de l’évêque, chargé d’enterrer un paysan, est obligé de se retirer devant les manifestations hostiles du troupeau swedenborgien. Ceux-ci se défendent contre la cava-

  1. Œgger présentait les phénomènes de l’extase comme étant à la disposition de chaque disciple. En 1845, il envoya au Synode de Leipzig une adresse où il préconisait le mariage des prêtres. « Depuis que Rome, y disait-il, a méconnu cette grande vérité, une maladie secrète et honteuse, une sorte de chancre, s’est attachée à ses membres, et elle n’a plus fait que languir. »