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Guaita[1] n’a pas craint de signer son pacte avec le démon, son acte de foi et d’amour envers le diable, et de le publier[2] :

I


S’il est vrai, Dieu puissant, ô toi que j’adorai,
Qu’en paradis, où dort ta muette indolence,
Tu te laisses bercer au soupir qui s’élance
De mon corps maladif et de mon cœur navré ;

Ô vieux sphinx impassible, ô vieux juge abhorré,
Qui, peseur scrupuleux à la fausse balance,
Peux me sauver d’un mot — et gardes le silence,
Moi, putrescible atome, oui, je t’insulterai !

Avant que de rouler à l’éternité d’ombre
Où doit rôtir ma chair dans le grand brasier sombre,
Les poings crispés au ciel, je hurlerai trois fois :

« Monstre, sois anathème ! » — Et ma rancœur sublime
Montera, mariée aux foudres de ma voix,
Comme un encens de haine exhalé de mon crime !

  1. Puisque je suis amené à parler de nouveau de M. le marquis Stanislas de Guaita, je profiterai de cette circonstance pour lui donner acte d’une réclamation qu’il est venu me faire au sujet de ce que j’ai publié dans le chapitre de l’Envoûtement (deuxième volume, pages 259 et suivantes).
    M. de Guaita m’a communiqué une lettre de M. Edouard Dubus, rédacteur au Figaro, dans laquelle celui-ci déclare que M. Jules Bois a exagéré en disant que M. de Guaita avait chez lui un démon familier et en s’appuyant, pour avancer cela, sur son témoignage. M. Dubus reconnaît seulement avoir assisté à une apparition chez M. de Guaita et explique ce fait par la raison que la maison de celui-ci serait « hantée, comme tant d’autres ».
    En ce qui concerne son duel avec M. Jules Bois, M. de Guaita établit une distinction : ce duel n’a pas eu lieu à l’occasion des articles de son adversaire publiés par le Gil Blas et que j’ai reproduits. M. Jules Bois a déclaré « n’avoir entendu porter sur M. de Guaita qu’une appréciation d’ordre philosophique et ésotérique, mais que ces critiques ne s’adressaient pas au caractère de parfait galant homme de M. de Guaita et ne pouvaient nullement l’atteindre » (Procès-verbal du 14 janvier 1893). M. de Guaita a ajouté : « Je me suis battu avec M. Bois trois mois plus tard, et pour une toute autre affaire. »
    Quant au duel avec M. Huysmans, il n’a pas eu lieu ; il y a eu, en tout, échange de témoins. Ceux de M. Huysmans ont déclaré que leur mandataire « n’entendait nullement revendiquer comme des opinions personnelles les articles de M. Bois » ; en outre, M. Huysmans a affirmé « n’avoir aucune hésitation à considérer M. de Guaita comme absolument étranger aux faits qui ont motivé la polémique sur la mort de l’ex-abbé Boullan », ajoutant d’ailleurs « qu’il n’a jamais songé à discuter le caractère de parfait galant homme de M. de Guaita » (Procès-verbal du 14 janvier 1893).
    Ces procès-verbaux n’avaient pas été portés à ma connaissance.
    Mais, en dehors de la question de duel qui n’est qu’un incident dans cette querelle entre occultistes, il reste un fait bien établi, et c’est celui qui surtout nous intéresse : il est avéré, indiscutable et non contesté, que les deux groupes rivaux portent mutuellement, l’un contre l’autre, l’accusation de satanisme. À l’égard de M. Jules Bois, je crois que la question est résolue par le compte-rendu (que j’ai reproduit en partie, pages 282-283) de sa pièce les Noces de Sathan, relation dont l’auteur est un de ses amis et qui a été publiée dans son journal. À l’égard de M. de Guaita, il me semble qu’après la poésie ci-dessus il n’y a plus qu’à tirer l’échelle.
    En résumé, les uns et les autres ont grand besoin des prières des catholiques, et je les recommande vivement à celles de mes lecteurs.
  2. Stanislas de Guaita : la Muse Noire.