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reluit, nous hésitons à prononcer des arrêts exclusifs, de peur d’envelopper dans notre condamnation quelque atôme de beauté. » (Journal des Débats, 25 avril 1855.)


Voilà, certes, une réhabilitation de Satan dans toutes les règles. En cet écrit, signé de lui, le F∴ Renan s’est trahi admirateur, sinon adorateur, du démon, qu’il ne place cependant pas au même rang que Dieu. Mais, lorsqu’on pense que le franc-maçon Renan a écrit ces lignes quinze ans avant la création du Palladisme, on peut légitimement le suspecter d’avoir progressé dans la voie diabolique ; on voit dans quel état d’esprit ce renégat vivait, on comprend à quel mobile il obéissait, lorsqu’en 1863 il publia son abominable Vie de Jésus ; et l’on ne serait nullement surpris d’apprendre qu’il a appartenu à quelque triangle parisien pour couronnement de sa triste vie.

Éliphas Lévi, — ou le chevalier Kadosch Alphonse-Louis Constant, comme on voudra, — autre apostat voué au diable, était, mieux que Renan, dans la doctrine d’Albert Pike ; aussi prit-il les devants sur celui-ci pour fulminer contre les satanistes, les goètes, les adeptes de la magie noire. Sa façon de s’exprimer à leur égard est assez curieuse et mérite d’être connue ; mais je ne saurais trop rappeler qu’avec Éliphas Lévi il faut savoir lire entre les lignes ; c’est lui qui, se conformant à l’étymologie du mot « révéler », re-velare, déclare que, lorsqu’en occultisme on fait des révélations, on doit donner le change au profane et « re-voiler », voiler de nouveau.


« Nous entrons dans la magie noire, écrit-il dans son Dogme de la Haute Magie (page 288) ; nous allons affronter, jusque dans son sanctuaire, le dieu noir du sabbat, le bouc formidable de Mendès. Ici, ceux qui ont peur doivent fermer le livre, et les personnes sujettes aux impressions nerveuses feront bien de se distraire ou de s’abstenir ; mais nous nous sommes imposé une tâche, nous la finirons.

« Abordons d’abord franchement et hardiment la question : — 1° Existe-t-il un diable ? — 2° Qu’est-ce que le diable ?

« À la première question, la science se tait ; la philosophie nie au hasard ; et la religion seule répond affirmativement.

« À la seconde, la religion dit que le diable c’est l’ange déchu ; la philosophie occulte accepte et explique cette définition. »


J’interromps la citation.

Ne vous imaginez pas que l’ex-abbé Constant se contredit. En bon luciférien, il joue sur les mots, tout en se déclarant franc. Il importe donc, pour le bien comprendre, de savoir déchiffrer ses énigmes. La science qui se tait sur la première question, c’est la gnose, le gnosticisme, c’est-à-dire sa secte, à lui, Éliphas Lévi ; elle sait à quoi s’en tenir, mais elle reste sur la réserve,