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NEUVIÈME PARTIE


LA GOÉTIE OU MAGIE NOIRE




CHAPITRE XXXVI

Les Satanistes organisés


Par goétie, on entend la Magie Noire, en opposition à la Magie Blanche, laquelle prétend au monopole du titre de théurgie. Au fond, goètes et théurges se valent ; mais il y a entre eux une distinction essentielle.

À part quelques dissidents, opérant à part, isolément, ou par petits groupes clairsemés et mal organisés, les Lucifériens modernes ont effectué leur concentration dans le Palladisme, et ceux-ci, à raison de leur caractère de hauts-maçons, ne se font pas connaître comme adeptes de l’occultisme théurgiste ; il ne faudrait pas, pourtant, en conclure que nul haut-maçon n’est goète, attendu que le successeur actuel d’Albert Pike à la suprême direction des triangles est accusé, avec raison, d’être plus sataniste que luciférien ; et tout de suite, en passant en revue les principales branches de la goétie, nous allons voir d’importants francs-maçons.

Le théurge du xixe siècle, je le rappelle, exècre le Dieu des chrétiens et lui oppose Lucifer ; mais il proclame que Lucifer est dieu, rival d’Adonaï. Le goète, au contraire, ne croit qu’en un seul Dieu, mais il exècre le divin Créateur, et, en proie à une folie bien faite pour dérouter notre examen, c’est à Satan qu’il voue son amour ; il le considère réellement comme archange déchu, il accepte parfaitement le dogme catholique, il nomme Satan « Satan » plus souvent que « Lucifer », et il se donne à ce terrible maître, en pleine connaissance de cause, sans la moindre erreur, certain de la damnation éternelle qui l’attend. Le palladiste orthodoxe, lui, croirait offenser Lucifer en l’appelant Satan, et, à ses yeux, notre Dieu, l’unique et vrai Dieu, n’est en réalité que le diable, mais le diable-divinité. C’est pourquoi les parfaits initiés des triangles désignent sous le nom de sataniste tout occultiste ou sorcier qui ne pense pas exactement comme eux, et je conserverai cette dénomination aux goètes, pour les distinguer de leurs confrères en diablerie du Palladium.

Goétie vient du sanscrit gàus, parole ou déesse de la parole, disent les uns, ou du grec goês, sorcier, selon les autres.