Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi, Pétruski (de son vrai nom, Krukoff), qui était le chef secret en France, avait, indépendamment de l’imprimerie clandestine de Molières, un laboratoire de chimie, ayant en annexe un atelier de fabrication de bombes ; car les services de tout comité national sont au nombre de quatre : service des impressions, service du colportage, service de la chimie, et service des finances.

C’est au laboratoire que l’adepte vient faire son apprentissage des manipulations dangereuses ; après quoi, il devient « travailleur en chambre ».

Il y a encore les « réchauffeurs », selon l’argot anarchiste ; ce sont les compagnons et les compagnonnes qui vont porter la bonne parole, réchauffer le zèle, de groupe en groupe. Et l’exercice de cette importante fonction démontre à quel point est amère la plaisanterie qui consiste à représenter comme des isolés ces ultra-révolutionnaires ; car, certes, les groupes ne manquent pas. Pour parler de Paris seulement, je nommerai les groupes : la Panthère des Batignolles, le Drapeau Noir de Charonne, les Cosmopolites, la Ligue des Anti-Patriotes, le Ni Dieu ni Maitre du XIIIe, les Affamés (groupe allemand), l’Avant-Garde ouvrière, la Jeunesse Anti-Patriotique du XXe, le Cercle des Études Sociales communistes anarchistes, les Gonzes poilus du Point-du Jour, le Groupe des Libertaires, le Salut social par la Dynamite, le Cercle-International, les Brise-Tout (groupe russe), les Enfants de la Nature, l’Homme Libre, les Rescousseurs, les Parias Vengeurs, le Niveau Social, etc., etc.

Parmi les principaux réchauffeurs, on peut nommer aujourd’hui, sans inconvénient et sans être dénonciateur : le colonel Lavroff, le colonel Sokoloff (devenu fou), Victor Ivanowitcz, l’énigmatique Lyon, Sébastien Faure, Mokrowitcz, Émile Pouget (le rédacteur en chef du Père Peinard) ; Kadcheff dit Bouche, Thomas Ascheri (un ancien séminariste), Amilcare Cipriani, Alex-Cohen, Charles Malato, Danichewski, Askinasi, Merlino, du côté des hommes, et, du côté des femmes, les compagnonnes Katcha, Olga, Friedutchina, Mme  Ivanec, déjà nommées, Mme  Dolz, une allemande, feue Mme  Labouret, Mme  Moreau (la sosie de Louise Michel), Madeleine, qui porte le costume masculin, et Louise Quitrine, la muse de l’anarchie parisienne.

Les vrais militants ne sont pas ceux dont vous voyez à tout bout de champ les noms dans les journaux. D’autre part, bon nombre d’écrivains du parti sont sincères quand ils nient l’existence de chefs, cela tient à ce qu’ils s’imaginent avoir de l’importance dans l’anarchisme ; et, comme en réalité ils ne sont rien, qu’ils n’ont personne sous leurs ordres, ils en concluent qu’il en est ainsi pour tous. À vrai dire, l’anarchie a son dandysme, les « littéraires », ainsi que les appellent les compagnons ; mais ceux-ci ne les prennent guère au sérieux, voient en eux des fantaisistes, faisant de la révolution en artistes