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vrer avec une extrême prudence, d’abandonner des enquêtes commencées, de démissionner d’un groupe au moment où je tenais une piste qui aurait pu m’amener à d’importantes découvertes ; et aujourd’hui encore je suis dans la nécessité de garder certains ménagements.

Enfin, je n’ai pas abandonné totalement la partie, et j’espère bien arriver un jour à pouvoir faire la démonstration complète de ce que j’avais tant à cœur de prouver : l’action de la haute-maçonnerie au sein des sociétés secrètes révolutionnaires.

Car, pour l’observateur attentif, pour l’homme qui étudie, qui réfléchit, et qui, sans se laisser décourager, se livre chaque jour à de nouvelles recherches, toutes ces sociétés, aujourd’hui si menaçantes, si criminelles dans leurs actes, anarchistes, nihilistes, fenians, main-noire, terroristes, reçoivent une mystérieuse impulsion, ont un centre d’inspiration, bien que paraissant agir séparément et par l’effet d’initiatives individuelles. Ce n’est là qu’une apparence ; mais on sent qu’il y autre chose, au fond.

Ainsi, ce F∴ Armand Lévy, dont j’ai parlé au précédent chapitre, s’est mêlé à des sociétés révolutionnaires ayant le plus violent programme ; le F∴ Alfred Naquet a été un des promoteurs du mouvement collectiviste, et c’est lui qui, le premier, a mis de terribles formules de chimie aux mains des forcenés (la recette pour la fabrication du fulmi-coton) ; l’un de ceux qui subventionnent les journaux anarchistes allemands est le F∴ Singer ; le F∴ Cornélius Herz lui-même est suspect par quelques-unes de ses relations. Voilà suffisamment de quoi donner à réfléchir ; et si nous examinons de près les forces motrices de la révolution sociale, nous verrons à l’œuvre bien d’autres juifs, bien d’autres francs-maçons ; les quatre que je viens de citer sont à la fois francs-maçons et juifs.

Et cependant, par elle-même, la franc-maçonnerie est essentiellement bourgeoise.

Cette considération doit-elle nous empêcher d’aborder le problème ? Devons-nous croire, pour cette raison seule, que la grande secte anticatholique est étrangère à l’explosion des haines socialistes ? Craindrons-nous de perdre notre temps à une enquête dans ces sombres milieux où jamais un catholique n’a pénétré ? Croyons-nous que nous n’aboutirons à rien découvrir ?

Non, nous ne nous laisserons pas arrêter par les difficultés de l’entreprise. Nous sentons qu’il n’y a pas incompatibilité d’humeur entre la franc-maçonnerie et la révolution sociale. En tout cas, nous verrons. Et si la main de la franc-maçonnerie est là, nous saurons bien comment et pourquoi.


En attendant de pouvoir faire là-dessus une lumière complète, il n’est pas inutile de nous rendre compte de ce que sont ces groupes anarchistes