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sont mis à l’abri ou qui ont disparu, et cela de telle façon que personne ne puisse soupçonner comment et où j’exerce mes investigations. De leur côté, les Moïse Lid-Nazareth ne pourront enclouer mes batteries.

Chez les anarchistes, ce sont surtout les russes qui sont les plus militants ; maintenant, français, italiens et espagnols rivalisent aussi d’émulation. En fait d’autrichiens, je n’ai guère à citer que la compagnonne Ivanec, fort jolie femme, ma foi, brune, habitait Paris naguère avec son mari, un relieur qu’elle avait converti à l’anarchie ; Mme Ivanec, qui est une excellente musicienne et qui adore les parties de campagne, a une marotte ; la propagande dominicale, sous bois, avec d’énormes pâtés et accompagnement de violon, de flûte, voire même d’accordéon. Cette anarchiste aimable et champêtre a dans les trente-cinq ans.

Du côté des russes, on ne peut pas ne rien dire de la célèbre Véra Zassoulitch, la Judith du parti, bien connue depuis qu’elle prit pour cible le général Trépoff. Elle est en Suisse, mais il y a fort longtemps que je la vis. La terrible moscovite doit avoir près de quarante-trois à quarante-quatre ans. On sait que cette héroïne du revolver fut acquittée par le jury de Saint-Pétersbourg (1878) ; sa jeunesse avait prévenu en sa faveur. Le verdict fut cassé ; mais on ne put procéder à de nouveaux débats, les amis de Véra l’ayant enlevée à la sortie de la première audience, au nez de la police, et l’ayant mise en lieu sûr ; réfugiée au pays helvétique et passant d’un canton à l’autre, elle à habité notamment Zurich, tour à tour institutrice et sage-femme. Elle fut très dévouée à Netchaïeff, l’un des lieutenants de Bakounine.

À Paris, les dames russes les plus actives parmi les anarchistes, avant les expulsions, étaient au nombre de trois : Katcha, Olga et Friedutchina ; j’ignore leurs noms de famille. Katcha possède un visage fort sympathique ; mais j’estime qu’il ne faut guère se fier à sa douceur apparente. Olga est grande ; Friedutchina, de taille moyenne. Il n’est pas aisé de dire leur âge, à raison de leurs tendances à se masculiniser. Elles fument la cigarette et boivent comme des hommes. Leur quartier général était à la Glacière ; elles venaient aussi au quartier latin, mais ne frayaient pas avec les jeunesses légères de l’endroit. Longtemps, un certain Petruski, prote de l’imprimerie Reitf (place des Écoles), a été le chef du comité russe parisien. D’ailleurs, les anarchistes russes se font volontiers typographes ; beaucoup sont allés faire leur apprentissage à l’imprimerie Paul Dupont. Ils avaient une imprimerie secrète, qui ne doit plus exister, installée dans la maison de campagne d’un ancien membre de la Commune, à Molières, près de Limours.

Les anarchistes russes sont ou étaient au moins 2.000 à Paris ; mais beaucoup habitent ou habitaient la banlieue, Sèvres, Meudon, sur la rive gauche