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rie, approbatrice de l’œuvre, bien entendu) : en deux mois, il a été recueilli 59,526 fr. Un donateur généreux a contribué à lui seul pour 6,000 fr. ; M. Léon Fontaine, en mémoire de sa nièce, Mlle Laure Thibault, la première étudiante en médecine de Bruxelles, a fait hommage à l’Université libre d’une importante collection de minéralogie. Les communes (c’est-à-dire les conseils municipaux dans lesquels les francs-maçons ont la majorité) votent des subsides qui donnent droit à des bourses. Le 4 avril, les organisateurs louaient un immeuble, 13, rue des Minimes, où les cours vont s’installer. »

Et le Matin, qui n’est pourtant pas réfractaire aux innovations et qui est souvent plus qu’indulgent en ce qui concerne les faits et gestes de la franc-maçonnerie, conclut en ces termes ;

« Il est superflu d’insister sur l’enseignement qui va être donné là. Ce sera l’école professionnelle des révoltés contre l’état social actuel, une école préparatoire d’anarchistes ; il est à souhaiter qu’elle ne devienne pas une école d’application de ces doctrines, avec champ d’expériences en France. »

Tel est le fait ; on avouera qu’il est des plus significatifs. La main de la haute-maçonnerie est là, il serait puéril de le contester. Donc, les chefs secrets de la secte ont un intérêt quelconque à fomenter l’anarchie, à la développer, à la répandre.

Mais, et l’attentat contre Crispi ? objectera-t-on.

Eh ! précisément, répondrai-je, n’a-t-il pas eu lieu pour détourner les soupçons ? car, enfin, celui-ci ne fut pas un attentat bien sérieux, Paolo Lega a tiré deux coups de pistolet sur le chef du cabinet italien en voiture, et non seulement celui-ci n’a rien reçu (ce qui arrive quelquefois), mais on n’a trouvé aucune trace de balle, ni dans la voiture, ni ailleurs.

Est-ce à dire que le jeune anarchiste Lega a joué une comédie ? Je ne vais pas jusque là. Les dirigeants de l’anarchisme, les excitateurs, sont tous des francs-maçons, c’est acquis ; mais les instruments, ces jeunes fous que l’on pousse au crime, ne le sont pas. Vaillant a peut-être été affilié à une loge, je ne serais nullement étonné de l’apprendre ; par contre, ni Émile Henry, ni Lega, ni Caserio n’ont jamais appartenu à la confrérie trois-points. On se sert d’eux, on ne les initie pas.

Or, les anarchistes ont imaginé de faire croire qu’ils agissent en isolés ; c’est une manœuvre très habile, qui permet de nier les ententes, les complicités. On a répété à satiété que chaque propagandiste par le fait agit de proprio motu, et beaucoup sont convaincus qu’il en est ainsi. Pourtant, il ne faut pas être grand clerc pour distinguer les actes criminels imputables à la seule initiative personnelle de l’assassin d’avec les attentats qui ont une corrélation entre eux et où un concert est manifeste, au moins entre plusieurs individus d’un même groupe. Ainsi, Léauthier peut certainement être considéré comme un isolé ; mais, non moins certainement, il n’en est pas de même