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moment, de créer une université anarchiste ; ce sera la « fondation Élisée Reclus. »

« L’Alma Mater bruxelloise, écrit un correspondant du Matin (n° du 17 juillet 1894) est en ce moment dans la désunion. Philosophes et sociologues, jaloux des antiques grammairiens Vadius et Trissotiu, ne s’entendent plus avec leurs collègues et ont décidé de monter une « concurrence » à l’Université officielle, une Université libre qui fonctionnera à partir du mois d’octobre prochain. Parmi les professeurs de cette nouvelle Université : Élisée Reclus, Pierre Kropotkine, Hector Denis, Bernard Lazare, de Greef (un sociologue belge), l’avocat Vandervelde, etc. Citer ces noms, c’est indiquer suffisamment la tendance de l’enseignement qui sera donné. »

Et comment Élisée Reclus a-t-il fait son entrée à Bruxelles ? À la suite de l’attentat de Vaillant. « On distribua alors, à Bruxelles, dit le Matin, un placard tiré à 20,000 exemplaires, intitulé Pourquoi sommes-nous anarchistes ? et signé d’Élisée Reclus. Ce factum était extrait d’une revue, la Société nouvelle, où il avait été publié en 1878 ; il faisait partie d’un rapport adressé au congrès internationaliste qui se tint à Fribourg à cette époque. C’était le procès en règle de la bourgeoisie, un réquisitoire contre la société moderne. »

Le rédacteur rappelle ici les incidents qui ont motivé l’interdiction des premières conférences du F∴ Élisée Reclus, les protestations de plusieurs membres de l’Université contre de tels cours faits aux étudiants, le professeur d’anarchie recueilli par les loges maçonniques, la secte lui offrant une chaire dans son temple pour qu’il y puisse exposer les doctrines incendiaires de Bakounine.

« Ce fut là l’embryon de la nouvelle Université. Le 12 mars, les universitaires dissidents se réunirent et en décidèrent la création par un appel au public pour obtenir des souscriptions. Leur programme repose sur l’enseignement des sciences sociales et leur rattachement à toutes les branches des connaissances humaines (nous savons ce que cela veut dire) ; l’admission des femmes aux cours et aux examens sans aucune restriction est aussi une des réformes mises en avant.

« Les cours projetés sont les suivants : sociologie générale élémentaire, sociologie approfondie, philosophie des sciences, philosophie du droit, sciences physico-mathématiques, histoire du peuple juif, histoire de l’art, finances publiques, statistique, hygiène publique, pratique professionnelle du barreau et de la magistrature, le tout formant un Institut des hautes études destiné à « couronner » les cours de la Faculté de philosophie et lettres et ceux de la Faculté de droit, qui sont les premiers échelons de l’« Enseignement supérieur libre. »

« Les souscriptions ont vite afflué (sous l’impulsion de la franc-maçonne-