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Pendant que j’y suis, je dénoncerai à Mme  Juliette Adam un fait qui me parait assez grave ; ce fait est de nature, si elle n’y met promptement bon ordre, à ruiner l’opinion que mes lecteurs, à la suite de la lettre reproduite ci-dessus, ne manqueront pas de se faire de son catholicisme. Un éditeur, qu’il lui sera facile de découvrir, s’est permis de faire paraitre et vend encore, publiquement sous son propre nom, à elle, un livre intitulé Un Rêve sur le Divin, développant une thèse religieuse qui sent fort le roussi.

Voici, par exemple, sur la question de l’âme, une des opinions, non seulement étranges, mais surtout passablement anticatholiques, émises par l’auteur qui a eu l’audace d’usurper la signature même de Mme  Adam :

« Les âmes dont le perfectionnement reste stationnaire sont indéfiniment réincarnées dans des corps, jusqu’à ce qu’enfin la nature domptée (matière et esprit) serve, malgré ses résistances, au but final de l’âme, qui est pour elle la production multipliée du bien uranique… L’âme perd la claire vision de ses étapes uraniques, dès qu’elle est replace dans un organisme opaque et matériel. Cependant, Dieu consent à réincarner des âmes complètement uranisées, âmes de prophètes que l’homme adore comme envoyés du ciel, de Dieu. »

Comme catholique, {{Mme]] Adam n’ignore pas qu’après la mort les âmes vont, selon leurs mérites, au ciel, au purgatoire ou en enfer, et non en Uranus, qui est la grande planète située aux bords extrêmes de notre système solaire ; comme catholique, elle sait que le système de la réincarnation (terme du répertoire du spiritisme) est une doctrine formellement condamnée par l’Église et en opposition directe avec les livres saints, car tous enseignent que les âmes sont personnelles à chaque humain et ne vivent sur terre qu’une seule vie. Par conséquent, l’auteur du Rêve sur le Divin ne peut pas être mon honorable correspondante, puisqu’elle se proclame catholique dans sa lettre du 12 septembre 1894. Que Mme  Adam ne manque pas de donner une leçon à cet auteur plus qu’hérétique et à son éditeur.

Je pourrai signaler encore à Mme  Juliette Adam bien des journaux qui, — c’est évidemment un abus qu’elle ignore, — parlent d’elle en la nommant à tout propos, la citant comme tenant ses salons régulièrement ouverts à la fine fleur des occultistes (Stanislas Meunier, Fabre des Essarts, Papus, etc.) et y dissertant avec eux les mystères de la métempsychose.

Dans cette voie audacieuse, les revues spirites vont même très loin. C’est ainsi que le journal d’occultisme fondé par Mlle  de Wolska sous le titre The Light of Paris (la lumière de Paris) prétend que Mme  Adam l’a pris sous son haut patronage. Mlle  de Wolska a imprimé, dans ses colonnes, qu’en témoignage de sa gratitude envers : Mme  Juliette Adam, elle lui avait offert, en 1892 une soirée exceptionnelle, où le Mage Papus exalta dans une conférence le Rêve sur le Divin, Or, Mlle  de Wolska n’est autre que la Sophia des gnostiques valentiniens ; c’est Mlle  de Wolska qui a été déléguée pour représenter l’occultisme français au Congrès tenu à Chicago en 1893.

Enfin, ce qui dépasse toutes bornes, c’est que, de même que la loge la Clémente-Amitié se vante avec aplomb, comme on vient de le voir, d’avoir fourni à elle seule cent mille francs, soit le cinquième du capital de fondation de la Nouvelle Revue, de même, avec non moins d’aplomb, une société nettement occultiste, le Groupe Indépendant des Études ésotériques, présidé par Papus, se vante de compter Mme  Juliette Adam au nombre de ses membres.

« Nous avons eu cette année, a écrit et imprimé le F∴ Papus dans son rapport sur l’exercice 1891-1892, l’honneur de recevoir au groupe, dans une séance toute particulière, une des femmes les plus élevées par son intelligence, son savoir et son cœur, que possède la France, et de plus une patriote aussi sincère qu’éclairée, Mme  Juliette Adam, directrice de la Nouvelle Revue, et l’auteur de ce bijou philosophique que vous avez tous admiré, Un Rêve sur le Divin. S’il est un diplôme d’honneur bien mérité, c’est certes celui-là. »

Pour ce qui est de l’intelligence, du savoir, de l’excellent cœur et du patriotisme de Mme  Edmond Adam, je suis entièrement de l’avis de M. Papus ; mais, quant à compter dans son groupe d’occultistes la directrice de la Nouvelle Revue, je m’en tiens à l’opinion que je viens de formuler. Papus veut en imposer… à moins qu’il ne soit victime d’une phénoménale illusion, ou encore que quelqu’un se soit fait passer pour Me Adam dans la séance de réception dont il parle.

En définitive, tout cela n’est pas très clair. Mme  Juliette Adam agira sagement en élucidant cet imbroglio. Quant à mes éditeurs et moi, puisque nous avons commis une erreur, nous la réparerons volontiers en supprimant de cet ouvrage, dès la première réimpression, tout ce qui a trait à elle ; et dès à présent nous déclarons que Mme  Adam ne doit pas être considérée comme sœur maçonne et qu’elle a toujours été complètement étrangère à la loge la Clémente-Amitié, où elle n’a mis les pieds que dans une fête publique, pour la réception de la loge Alsace-Lorraine.

MM. Hardman, Powell et Cie

Voici, certainement, l’erreur la plus grave qui a été commise au cours de mon ouvrage et celle qui pouvait porter un réel préjudice aux personnes visées. Il s’agit de MM. Hardman, Powel et Cie, dont il a été question au premier volume, pages 502-503, dans le 7e fascicule, paru dans le courant de juin 1893.

Tout d’abord, je rappellerai combien a été courtoise la façon de procéder de ces honorables commerçants, dès qu’ils ont appris qu’ils avaient été mis en cause. Ils n’ont pas eu recours à la menace : forts de leur innocence et convaincus que j’étais de bonne foi dans mon erreur, ils se sont adressés à moi