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lume, où je lui ai consacré (page 709) un alinéa de 24 lignes, qui n’est certes pas méchant ; tout au contraire. Mais enfin, tout en spécifiant bien que la spirituelle directrice de la Nouvelle Revue ne doit pas être confondue avec le commun des sœurs maçonnes, dans son cas encore je n’ai pas apporté mon témoignage personnel : « si j’en crois ce qui m’a été affirmé », écrivais-je ; et je représentais Mme Adam comme inscrite à l’annexe de la loge la Clémente-Amitié, mais comme n’en faisant plus partie, et, en tout cas, comme ayant été une maçonne exclusivement politique.

La personne qui m’avait donné le renseignement a, selon toute évidence, commis une erreur ; car Mme Edmond Adam nie d’une façon absolue.

Le 9e fascicule, qui contenait cet alinéa, parut vers la fin de juillet 1893 ; mes éditeurs y ont fait figurer le portrait de Mme Adam à côté de celui de miss Vaughan. Voici la lettre qui m’a été adressée, en septembre 1894, par la directrice de la Nouvelle Revue :

« Château de St-Estève, par Orgon (B.-du-Rh.)
« 12 septembre 1894.
« Monsieur,

« Quelle est ma stupéfaction en me voyant faite par vous Grande-Maîtresse Franche-Maçonnique {sic). J’ai, en ma vie, assisté une fois à une fête publique donnée à la Clémente-Amitié, pour une réception de la loge Alsace-Lorraine ; mais jamais je n’ai fait partie d’aucune loge maçonnique.

« J’exige, Monsieur, quitte à le faire par les voies légales, que vous cessiez de vendre le volume dans lequel j’occupe une place comme diablesse ; ce qui ne me va guère ; vous le comprendrez, étant catholique.

« Je compte, Monsieur, sur votre bonne foi pour réparer, dans la mesure de votre pouvoir, le tort que vous avez pu me faire dans l’esprit de vos nombreux lecteurs.

« Agréez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments distingués.

« Juliette Adam. »

Si Mme Adam avait lu avec attention les lignes qui la concernent, elle aurait vu que je ne l’ai en aucune façon mentionnée à titre de « diablesse » ; et les termes dont je me suis servi à son égard sont la meilleure preuve que je n’ai nullement cherché à lui nuire ni à la désobliger. Néanmoins, puisque Mme Adam tient à ne pas figurer dans mon ouvrage, l’alinéa en question sera supprimé à la première réimpression, ainsi que le portrait ; ce qui nous permettra, par la même occasion de satisfaire miss Vaughan.

D’autre part, je dois faire respectueusement observer à Mme Adam que je ne suis pas le seul à l’avoir qualifiée de sœur maçonne, ce qu’elle appelle Sœur Franche-Maçonnique ; expression tout à fait inusitée, et qui démontre bien à quel point la directrice de la Nouvelle Revue est étrangère aux loges et ignorante de leur langage. Il est juste, en effet, que Mme Juliette Adam impose aussi suppression ou rectification aux éditeurs de livres, journaux ou revues que je vais lui signaler ; car d’autres que moi ont été jusqu’à l’inscrire, non seulement comme maçonne, mais même comme initiée occultiste.

Je vois, par exemple, dans le tome II de l’ouvrage les Sociétés Secrètes et la Société (1882), par N. Deschamps et Claudio Jannet, une longue liste (onze pages) de célébrités maçonniques, Page 454, on lit « Sœur Edmond Adam, directeur de la Revue Nouvelle. » Page 446, les auteurs affirment qu’ils ont reproduit cette liste d’après le Français et qu’aucune réclamation n’a été adressée à ce journal.

Mais voici qui est mieux. La franc-maçonnerie se vante d’avoir contribué, et pour une large part, à la fondation de la Nouvelle Revue, Cette affirmation a été produite par le vice-président du Conseil de l’ordre au Grand Orient de France, au cours d’une fête maçonnique donnée en partie en l’honneur du F∴ de Lesseps et de l’entreprise du Panama. À cette solennité qui eut lieu le 8 juillet 1879 au temple de la rue Cadet, on célébra les mérites de l’Orphelinat maçonnique, ceux du Panama et ceux de la Nouvelle Revue, qui alors était sur le point de paraître. La revue officielle le Monde Maçonnique fait figurer Mme Edmond Adam siégeant parmi les Vénérables des loges de Paris. Mais reproduisons le texte même Monde Maçonnique, n° d’août 1879, pages 173 et suivantes) :

« Fête de la loge la Clémente-Amitié ; 8 juillet 1879. — Dans l’assistance, on remarquait la plupart des Vénérables des Loges de Paris, M. de Lesseps, Mme Edmond Adam, un grand nombre de dames, d’hommes politiques, d’écrivains et d’artistes.

« Le F∴ Poullain vient remercier, au nom de l’Orphelinat général maçonnique, la loge la Clémente-Amitié du don d’une action du Canal de Panama. Le F∴ Cousin (vice-président du Conseil de l’Ordre et Vénérable de la loge la Clémente-Amitié) répond en annonçant que M. de Lesseps, qui a donné la première action à la rosière de Nanterre, offre la seconde aux orphelins de la franc-maçonnerie. »

(Ici, grand éloge de l’entreprise du Panama, dans une lettre envoyée par le F∴ Littré, retenu par la maladie.)

« — Vous avez raison, dit M. de Lesseps, vous francs-maçons, d’applaudir à cette œuvre du percement de l’isthme ; elle est éminemment maçonnique, car elle est fraternelle et humanitaire. »

Le F∴ Cousin prend de nouveau la parole :

« — Une troisième entreprise vient de surgir, qui mérite la plus chaude sympathie des francs-maçons, C’est la Nouvelle Revue, organe bi-mensuel de la République scientifiquement progressive, qui paraîtra le 1er septembre prochain. Déjà, bon nombre de Frères, promoteurs du Canal interocéanique et de l’École supérieure, nous ont apporté pour la Nouvelle Revue de larges souscriptions. Tous les noms que nous venons de rappeler figurent, Littré en tête, sur la liste du comité fondateur. La Clémente-Amitié, seule, fournit environ le cinquième du capital émis, qui est de 500.000 fr. Quelques actions seulement restent à souscrire. Que chaque loge favorise d’un abonnement la Nouvelle Revue, que chaque franc-maçon s’en fasse le collaborateur et propagateur dévoué, et vous aurez fondé une troisième œuvre, digne complément des deux premières. »