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l’adopte pas intégralement, et dont elle aspire à être la réformatrice inspirée. À mon tour, je lui en voudrais, — si j’en avais le droit, — d’avoir dit à un de mes amis : « On peut, sans risquer d’être démenti par moi, raconter que je suis de force à avaler, en guise de hors-d’œuvre, à mon repas, les dix-neuf monitors cuirassés de l’escadre des États-Unis et que je les digèrerais même en dix-neuf minutes ; tous les récits qui se débitent sur mon compte m’amusent, et voilà tout. » Non, ce n’est pas ainsi qu’il faut parler. Rectifiez les erreurs qui ont pu se glisser dans des récits de seconde et troisième mains ; mais convenez de ce qui est vrai. Et puisque vous voulez élaguer du palladisme ce qui vous en apparait impur, fou ou criminel, faites hardiment et publiquement cette œuvre que vous déclarez « sanitaire et salutaire » ; nos colonnes de la Revue Mensuelle vous sont ouvertes : alors, nous discuterons ensemble ce que vous entendez conserver de votre dogme et de votre culte.

Mademoiselle Emma Calvé

Trois lignes à la page 754 du second volume m’ont valu la lettre suivante de Mlle  Emma Calvé, la célèbre chanteuse d’opéra-comique :

« Paris, le 6 décembre 1894.
« Monsieur,

« Un de mes oncles, curé dans l’Aveyron, — un de vos abonnés, — m’envoie le numéro de votre journal, où vous me comptez parmi les spirites pratiquant dans les salons et les lucifériennes ! Je ne sais même pas, Monsieur, ce que tout cela veut dire.

« Je suis bonne chrétienne, et de ma vie je ne me suis occupée de spiritisme et de diablerie.

« Je vous prie donc, Monsieur, de rétracter absolument ce que vous avez dit sur moi, qui ne repose sur rien, et qui n’a eu qu’un résultat : faire du chagrin à de braves gens qui sont vos abonnés, et à moi-même.

« Recevez, Monsieur, l’assurance de mes sentiments les plus distingués.

« Emma Calvé,
« 45, avenue Montaigne. »

Je suis heureux d’avoir fourni à Mlle  Calvé l’occasion de protester contre l’accusation de spiritisme, dont je me suis borné à me faire l’écho ; car, le lecteur l’a certainement remarqué, le cas de la réputée cantatrice est encore un de ceux pour lesquels je n’ai pas apporté mon témoignage personnel. En effet, je n’ai jamais vu Mlle  Emma Calvé ni en triangle ni en aucune réunion spirite.

Mlle  Calvé a bien fait d’écrire la déclaration qu’on vient de lire ; son vénérable oncle pourra lui expliquer que la main du diable est dans tout spiritisme, quelqu’il soit, même le plus anodin en apparence. Mais, à raison même de son nom qui n’est pas inconnu dans les fastes de l’occultisme, — le séducteur et magnétiseur de la malheureuse Barbe Bilger s’appelait également Calvé, — pour éviter toute erreur pouvant résulter de cette fâcheuse similitude de nom, Mlle  Emma Calvé aurait mieux fait encore de protester contre les journaux qui lui ont fait cette réputation de zélée spirite dont elle est si contrariée.

Cette réputation, ce n’est pas moi, certes, qui la lui ai créée, puisque le fascicule où j’ai cité son nom n’a paru que vers la fin d’octobre 1894. Or, parmi les journaux qui ont représenté Mlle  Calvé comme pratiquant le spiritisme, voici, par exemple, l’Éclair, de Paris, une feuille des plus répandues et tout à fait favorable à la cantatrice dont elle célèbre à tout propos la gloire artistique. Dans son numéro du lundi 2 avril 1894, en première page, l’Éclair publiait un article intitulé : Les éléments qui composent un Congrès Spirite, avec ces sous-titres : « Les spirites en France ; la réalité des phénomènes ; deux écoles ; les occultistes ; leurs groupes ; divergences d’opinions : séances privées. »

Cet article commence ainsi :

« Il va s’ouvrir à Liège un nouveau Congrès Spirite dont on s’entretient beaucoup, si sceptique que l’on soit. Les spirites sont nombreux, encore plus qu’on ne le suppose. Et aux adeptes d’Allan-Kardec se joignent les spiritualistes, les occultistes, les Bouddhistes, les curieux des vieux systèmes de l’univers qui, dans des discours, des conversations ou des livres, remuent singulièrement notre pauvre humanité pour savoir d’où elle vient et où elle va. Ils sont convaincus qu’ils finiront par savoir son secret, qu’ils sont sur la bonne piste.

« Un Congrès Spirite, toute croyance religieuse mise à part, est un attachant sujet d’études pour les éléments qui le composent. Ils sont originaux. Beaucoup qui vont là sont de simples spectateurs d’un mouvement qui les séduit. Il s’en faut qu’ils ne représentent qu’une secte et qu’une doctrine. Ils ne sont unanimes que sur un point : la réalité possible des phénomènes. »

Et voici le passage de cet article où il est question de Mlle  Emma Calvé :

« Dans un Congrès Spirite, à côté des déclarations ineptes, des confessions naïves, on peut s’attendre à recueillir des notations intéressantes et à y voir fleurir une philosophie ingénieuse et piquante.

« Quelques noms encore parmi les adhérents, pour montrer la singulière carte d’échantillons qu’est un Congrès Spirite : le sculpteur Caminade ; Camille Chaigneau ; Mme  Bogelot ; Mme  de Wolska ; Mme  Potonié-Pierre, auditrice ; le docteur Ferran ; M. de Larmandie ; Mme  Emma Calvé, la chanteuse de l’Opéra-Comique, fervente du spiritisme. »

Mlle  Calvé constatera par là que je ne suis nullement le promoteur de sa réputation de spirite. Elle dément : tant mieux ! Mas surtout je la prie de croire que, pas plus que ses amis et admirateurs de l’Éclair, je n’ai eu l’intention de la chagriner en reproduisant sur son compte un racontar fort accrédité.

Madame Edmond Adam

J’ai parlé de Mme  veuve Edmond Adam, née Juliette Lamber, dans mon premier vo-