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même plusieurs à croire, d’après le rapport qui nous a été fait chez mes éditeurs, qu’elle s’est présentée en personne à leur librairie ; car, dans la seconde semaine d’août, une jeune femme, en costume de voyage, vint acheter plusieurs exemplaires de ce 9e fascicule, et, l’ayant feuilleté, fit précisément, en s’adressant aux employés, des critiques au sujet des portraits de la livraison 89. Quoiqu’il en soit, voici la lettre qui fut adressée par miss Vaughan chez mes éditeurs, peu après cette visite ; elle vise les livraisons 89 et 90, c’est-à-dire de la page 705 à la page 720 du 1er  volume :

« Orléans, 16 août 93.
« Pour faire parvenir au Dr  dit Bataille.

« De passage en France, je viens de lire votre 9e cahier du « Diable au XIXe siècle ».

« Pas méchant, l’article biographique. Merci. Mais pas ressemblant du tout, le portrait. Votre dessinateur rajeunit Juliette, et me vieillit, me transforme en caricature ; grondez-le.

« La photographie qui a servi a été dérobée. Je le prouve. Elle provient d’un rebut, d’une pose mauvaise ; deux épreuves seulement de cette pose furent tirées : j’avais gardé l’une et donné l’autre. Par conséquent, je sais chez qui votre spécimen a été subtilisé ; pas d’erreur ; vous êtes pincé sur le fait.

« Votre narration contient des inexactitudes. Je veux en relever deux ; le reste m’est indifférent.

« 1° — Erreur sur la date de naissance : c’est le 29 février 64, et non le 28. Comptez sur vos doigts ; nous sommes en 93, et pourtant je n’ai pu fêter que sept fois mon anniversaire de nativité… Vous ignorez donc que, lorsqu’elle se met en frais d’esprit, elle me désigne sous le nom de la sœur Bissextile ?…

« 2° — Vous vous êtes trompé de quatre ans sur la durée du conflit entre les Onze-Sept et les Saint-Jacques. Cette erreur surtout appelle rectification. À la lecture de votre article, je crois voir d’où l’inexactitude vient : c’est d’une confusion de dates. Vous portez au 15 septembre 85 un fait du même jour, mais de 89. Pour être dans le vrai, il faut rectifier ainsi : initiation suspendue, 25 mars 85 ; présentation nouvelle et maintien d’ajournement, 28 mai 85 ; honorariat, 15 septembre 85 {à Louisville) ; déclaration de conflit de la part des Saint-Jacques, 31 octobre 85 ; acte d’intervention du pouvoir souverain, 8 avril 89 ; proclamation définitive imposée, 15 septembre 89 (à Paris).

« Donc, le conflit a duré quatre ans ; en faisant le compte d’après votre article, on ne retrouve plus qu’une période de quatre mois. Inclinez-vous devant la chronologie et les mathématiques, homme de foi et de science. Au surplus, je pourrais vous citer avec leurs dates plusieurs incidents du conflit ; mais, pour ceci, je ne me considère pas comme ayant le droit de parler.

« Diana V. »

« Salutations.

J’ai revu, depuis lors, miss Vaughan plusieurs fois. En ce qui concerne son observation relative à la ressemblance du portrait, je lui fis remarquer que la faute vient, non du dessinateur, mais de cette malencontreuse photographie, puisqu’elle provenait, hélas ! d’une mauvaise pose. Je renvoie donc au photographe ce blâme sévère, mais mérité. Au surplus, en attendant qu’une nouvelle édition nous permette de remplacer ce diable de vilain portrait, je me permets de signaler le volume de mon ami M. De la Rive (la Femme et l’Enfant dans la Franc-Maçonnerie universelle) comme contenant un portrait de miss Vaughan des mieux réussis ; et je ne crois pas qu’il y ait indiscrétion à raconter l’histoire de cette seconde gravure, dont l’ex-grande-maitresse de New-York s’est déclarée parfaitement satisfaite. L’anecdote, du reste, n’est pas banale.

La lettre ci-dessus a été publiée d’abord, parmi d’autres rectifications, sur la couverture du fascicule qui suivit sa réception. L’ami De la Rive, l’ayant lue, s’adressa directement à miss, lui faisant savoir que son volume, alors en cours d’impression, lui consacrerait quelques pages, et il sollicita d’elle une bonne photographie. Un portrait de toute beauté, en pied, et du plus grand modèle qui existe en photographie, fut aussitôt confié à M. De la Rive ; mais miss Vaughan ne s’en tint pas là. En américaine aimable et pratique, elle pria le dessinateur de M. De la Rive de passer à son hôtel, lui prodigua ses meilleurs compliments sur son talent d’artiste, le retint à diner, et posa ainsi devant lui, entre le café et les liqueurs.

Notre alliée contre Lemmi a trop d’esprit pour se fâcher de la divulgation de ce petit incident pittoresque ; et elle ne m’en voudra pas non plus, je me plais à le croire, si, en terminant, je cherche à l’accabler d’un gros reproche. Elle a tort de dire que ce que l’on publie à son sujet, sur ce qui est le fond même du palladisme, lui est indifférent, ou qu’elle ne se considère pas comme ayant le droit de parler de ces choses-là. Une telle déclaration tendrait à frapper de discrédit ce que j’ai raconté d’elle en témoin oculaire, en le confondant avec ce que j’ai rapporté d’après des récits de tiers. Ainsi, il doit être entendu que miss Vaughan ne tient pas le talisman du triangle Phébé-la-Rose pour l’appendice caudal du lion (qui n’a jamais existé) de l’évangéliste saint Marc ; elle a fait nier indirectement le fait de ce talisman cinglant avec vigueur les frères qui s’étaient montrés partisans de son expulsion {volume de M. De la Rive, pages 708-709) : mais pourquoi ne pas s’être expliqué carrément dans la lettre du 16 août 1893 ? La vérité gagne aux rectifications complètes.

De même qu’elle en veut à M. Margiotta de sa conversion, de même miss Vaughan est contrariée de me voir démonétiser ce palladisme, qui lui est cher, bien qu’elle ne