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Révolté et dont le rédacteur principal, Jean Grave, est un ancien ouvrier cordonnier devenu typographe, puis littérateur ; condamnation de Jean Grave, et campagne sentimentale des radicaux en sa faveur. — Les attentats se multiplient, en dépit d’innombrables arrestations. Explosions dans deux hôtels meublés à Paris (rue Saint-Jacques et faubourg Saint-Martin) ; le criminel, demeuré introuvable, a pris le pseudonyme de Rabardy. Explosion au restaurant Foyot, près du palais du Luxembourg, où siège le Sénat ; cette fois, la victime est un poète anarchiste, Laurent Taïlhade, qui dinait là en compagnie galante et qui est blessé grièvement ; personne ne le plaint. Explosion à l’église de la Madeleine ; le dynamiteur Pauwels est tué par sa bombe. À Londres, vers la même époque, au parc de Greenwich, un autre anarchiste est également tué par sa bombe, tandis qu’il la transportait, voulant, pense-t-on, faire sauter l’Observatoire-Royal. — À Rome, l’anarchiste Paolo Lega décharge son pistolet à deux coups sur le ministre Crispi, sans l’atteindre. — Le 24 juin, le président de la République française, Sadi Carnot, est poignardé dans sa voiture, aux fêtes de l’exposition de Lyon, par l’anarchiste Caserio, jeune italien de 20 ans, qui, aussitôt arrêté, se proclame le vengeur d’Émile Henry. Cet exécrable assassinat d’un chef d’État, estimé même de ses adversaires, soulève une réprobation universelle. On commence à ouvrir les yeux sur les résultats de la propagande théorique des révolutionnaires. Malgré les dénégations de l’assassin qui affirme avoir agi sous sa seule inspiration, il apparaît que les internationaux sont parfaitement organisés et qu’il y a une direction secrète inspirant tous ces crimes. Paul Reclus, neveu d’Elisée, qui a passé à l’étranger ainsi que son oncle, est désigné par la presse comme étant l’homme de confiance d’un pouvoir occulte qui arme le bras des assassins. Les soupçons se portent aussi sur un mystérieux faux baron de Sternberg, qui paraît jouer le rôle de bailleur de fonds des anarchistes en Europe. Caserio, jugé à Lyon par la Cour d’assises, est condamné à mort, le 3 août ; son attitude aux débats est des plus cyniques ; ce fanatique se révèle une brute ignorante, dont les mauvais instincts ont été développés par la lecture des feuilles révolutionnaires. Le parlement français, quelques jours avant ce procès, vient de voter une loi pour réprimer la propagande anarchiste par voie de la presse, discours et tout autre mode d’excitation. Nos législateurs n’ont oublié qu’une chose : c’est que l’anarchie est la fatale résultante des écoles sans Dieu, la poussée à l’extrême des principes de la Révolution, et que le seul moyen de rétablir l’ordre social, c’est de rendre au prolétariat la foi qu’on a arrachée de son âme.

Voilà où nous en sommes.

Il est instructif de jeter un regard sur tout le chemin parcouru depuis le jour où Michel Bakounine et Élisée Reclus, s’inspirant des idées de Diderot, Babeuf et Proudhon, constituèrent le parti communiste-anarchiste.