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la Terre, plus haut que le Dhavalaghiri, plus haut que le Kantchindjinga, plus haut que le Gaourisankar.

« Et la montagne superbe, n’appartenant à aucune chaîne, s’appellera désormais le mont Excelsus Excelsior.

« Les neiges ne la couvriront point, malgré son altitude ; le printemps y règnera, l’année entière ; les peuples unanimes dans la fidélité, construiront sur elle soixante-dix-sept temples.

« Voici que la Lune remonte lentement dans les airs ; et voici encore qu’elle prend peu à peu une forme humaine ; elle est femme prodigieusement grande, mais de la plus éclatante beauté. Et, dans l’espace, elle s’incline devant le Palladium dominant la Terre ; puis, elle reprend sa forme d’astre, tandis que les peuples sont émerveillés.

« Partout les neiges se cristallisent, tout en gardant leur blancheur immaculée ; l’homme, maintenant, pourra les admirer, sans les craindre. Partout les animaux qui étaient féroces se sont adoucis.

« Les nuages courent dans l’atmosphère, et les nuages sont d’or. Et, tandis que la Lune a repris sa place dans l’éther, les nuages d’or éclatent en éclairs d’une formidable harmonie céleste.

« La foudre parle, voix sublime du Dieu-Bon. Elle annonce que la Terre est à jamais délivrée du joug d’Adonaï. »


Telle est, reproduite du Livre Apadno, la principale partie de la légende palladique de l’Ante-Christ. J’ai tenu à donner cette citation tout au long, sans l’interrompre par aucune réflexion ; c’est, je crois, la meilleure manière de faire juger cet échafaudage de hardis mensonges.

Même en ne s’arrêtant pas au grotesque qui déborde dans cette haute fantaisie luciférienne, grotesque par lequel Satan se trahit vrai diable, — car il faut plus que de la bonne volonté pour croire divines de telles absurdités baroques et stupides, — même en prenant le courage d’examiner sérieusement cette soi-disant prophétie du prince de l’orgueil, on ne peut que mépriser, dès les premières lignes, l’inanité du factum diabolique.

En effet, l’Église infaillible nous enseigne qu’il y a témérité à prétendre fixer la date précise des évènements relatifs à l’apparition de l’Ante-Christ et, par conséquent, celle du temps marqué pour la venue de Notre-Seigneur. À plus forte raison, il y a crime et folie à prétendre que l’Ante-Christ sera victorieux. Or, cette folie criminelle est tout le fond du système des palladistes. En outre, on ne peut voir dans la légende luciférienne du Très Saint 666 qu’un nouveau prétexte à blasphèmes. C’est la rage du suprême Déchu qui hurle en ces pages, furieuse contre l’avenir des irrémédiables défaites dont il sera accablé.