Page:Taxil, Hacks, Le Diable au XIXe siècle, Delhomme et Briguet, 1894, tome 2, partie 2.djvu/390

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

célébré dans les légendes de la Maçonnerie d’Adoption, joue un grand rôle dans le Livre Apadno, et rien n’est plus frappant que la ressemblance entre la tradition jézide et les fausses prophéties apadniques au sujet de cette haute cime de la Caucasie. C’est à croire que l’auteur de la bible luciférienne de Charleston est le même que l’auteur du Sôhuph Sheit.

En tout cas, il y a là une connexion étonnante, qui laisserait supposer une unité réelle dans le plan diabolique, dans le projet que Satan médite d’une nouvelle et suprême révolte contre Dieu.

Les Jézides rêvent l’extermination des races chrétiennes. Au grand jour, d’après leur tradition, ils réuniront au mont Ararat toutes leurs tribus éparses en Russie, en Perse et en Turquie, et de là ils descendront, comme une avalanche, sur la Palestine pour proclamer le règne de Lucifer sur la terre, détruire le sépulcre du Christ et planter l’effigie du Mélek-Taous, transportée de Lalech, au sommet du Golgotha. Déjà, ils préparent les voies à cette campagne. Nombreux sont les Jézides qui viennent par groupes explorer la Terre-Sainte, où ils se rencontrent souvent avec des pèlerins catholiques, ceux-ci les prenant pour des familles de juifs nomades, aussi plats et hypocrites que sordides. Des karataschis se rendent même en Europe, ignorés, quittant leur tunique noire pour la circonstance, passant d’abord par l’Arabie, l’Égypte, la Tunisie, s’initiant aux mœurs des arabes d’Afrique et se donnant pour tels quand ils ont traversé la Méditerranée : comme les espions avant la guerre, ils viennent reconnaître le terrain ; on en cite quelques-uns, autour du lac de Van, qui racontent être venus à Rome. En nombre relativement important, quelques familles de jézides se sont implantées en Palestine, et l’on n’ignore plus qu’il y en a même à Jérusalem ; les uns et les autres, prenant leurs positions, attendent l’invasion, qui viendra quand le Mélek-Taous en aura décidé.

Ainsi, le diable se prépare à donner l’assaut au Saint-Sépulcre ; et ce travail qui se fait dans l’Asie-Mineure m’oblige à songer à ce qui se passe d’autre part à Rome, où, par l’ordre de la secte maçonnique, on édifie chaque jour des maisons destinées aux familles d’ouvriers entraînés et corrompus dans les cercles anticléricaux, où l’on bâtit des quartiers populaires tout autour du Vatican, de façon à l’enserrer d’un cercle hostile, et cela pour réaliser le sombre dessein d’Adriano Lemmi : faire éclater une insurrection impie et déchaîner la populace sur la demeure du Pape.

De même, les Lieux-Saints sont visés par les Jézides ; de jour en jour, ils s’établissent dans les environs, resserrant peu à peu leur cercle, tout en entretenant leur zèle de maudits aux pays dont l’Ararat est le centre ; sommet qu’ils appellent, exactement comme les palladistes, « la Montagne Mère du Monde », persuadés, toujours comme les palladistes, que c’est Lucifer qui a sauvé, au moyen de l’arche, l’humanité noyée par le déluge de son rival