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Heich, à Ina-de-Noune, à Makheteya, à Zier, à Memikhan, à Keyet, à Diza, à Chardevar, à Khiana, à Ardikhaï, à Diza-Toki, à Gudjapa, à Ourmiah, à Gulpasan, à Ada, à Soupergan, à Gavalan, à Oulah. Partout, ils fraternisent avec les Jézides. Or, ces missionnaires protestants ne sont pas des anglais, mais des américains, des États-Unis ; ils sont envoyés par New-York, par Chicago, par Boston, par Philadelphie, par Louisville, par Baltimore, par Charleston, et ils sont tous francs-maçons. Concluez !

Dans le roc des monts kurdes, les Jézides ont creusé, à des hauteurs où l’on n’arrive que par d’étroits sentiers bordés de précipices, des cavernes de forme exactement cubique ; les parois en sont garnies d’ossements humains en guise d’ornements ; toute la décoration est dans cet art macabre ; les lustres même sont confectionnés avec des ossements. Au, fond, il y a un autel diabolique, où un karataschi (espèce de prêtre-fakir de cette religion infernale) dit une messe noire ; l’officiant est nu, n’ayant qu’une sorte de chasuble ou dalmatique où la croix est représentée renversée. À cette messe noire, on ne profane pas d’hosties consacrées, car il serait impossible de s’en procurer dans le pays ; mais le karataschi remplit de vin un calice à plusieurs reprises, et il répand le liquide sur le sol en disant : « Ce vin figure le sang du maudit ; abreuvez-vous du sang du maudit. » Les jézides se précipitent, la face contre terre, et lèchent jusqu’à la dernière goutte le vin ainsi répandu. Cette cérémonie a lieu au solstice d’été et aux deux équinoxes ; elle entretient les fidèles dans une excitation sauvage contre le Christ et les chrétiens, et, par le fait, les guerriers jézides sont plus cruels et plus barbares dans leurs brigandages que les terribles Druses du Liban.

Les Karataschis sont vêtus d’une tunique noire, et ils sont coiffés d’un haut bonnet également noir, orné de bandelettes noires. Ils prêchent que Lucifer est leur Pyr (feu) et leur Sheich-Alï (docteur très-haut), et qu’ils s’introduiront, les armes à la main, dans le ciel du mauvais dieu pour l’en chasser. Pour devenir karataschi, il faut subir un assez long noviciat, avec épreuves, mais des épreuves sérieuses, qui souvent mettent la vie en danger ; enfin, la prise de l’habit noir, qui est revêtu par l’initié, fait l’objet d’une grande solennité. Le récipiendaire, qui a été murid (disciple) pendant son noviciat, passe alors au rang de cotchek (clerc) et fait désormais partie de la confrérie des Karataschis. Le supérieur-fakir, en le revêtant de la tunique noire, prononce ces paroles : « Dès maintenant, tu es entré dans le feu, et sache que, par les mérites d’Yésid, tu es devenu fils adopté du Mélek Taous. En cette qualité, tu dois souffrir les injures, les opprobres et les persécutions des mauvais hommes, pour l’amour du Dieu de Bonté et de Lumière ; cet habit te rendra odieux à toutes les nations, mais agréable à la majesté divine. Endure l’affront de l’ennemi ; les malédictions s’accumu-