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qu’en certains endroits ils affectent de baptiser leurs enfants et que, pour endormir la défiance des chrétiens, ils se saluent dévotement, en faisant le signe de la croix.

Mais, si l’on rapproche ce qui a été écrits sur eux par les explorateurs qui les ont étudiés de près et quelque long temps, on est frappé d’une remarque qui s’impose : c’est que leur religion n’est autre qu’un palladisme des mieux caractérisés.

D’abord, tout porte à croire qu’ils sont les descendants directs des premiers Manichéens. La contrée d’où ils proviennent, où ils sont en force, est celle-là même où Manès conçut et propagea ses doctrines avec le plus de succès. Le nom de leur cheikh vénéré, de leur grand saint, Adi, est celui d’un des plus zélés disciples de Manès.

Comme les anciens Mages, comme les sectateurs de Zoroastre, ils qualifient d’Ahriman, dieu du mal, la divinité qu’ils reconnaissent, mais qu’ils refusent d’adorer, et ils réservent leurs hommages à un Ormuzd nettement luciférien, un dieu du feu, dont ils font la divinité bienfaisante.

En vrais parsis, professant un sabéisme mystique tel que celui des palladistes, ils vénèrent le soleil, commé manifestation permanente du bon principe divin. Le feu est sacré pour eux, au point que cracher dans un foyer est un péché des plus graves. Des deux dieux, celui qu’ils adorent est appelé par eux Taous ou Mélék-Taous, c’est-à-dire Roi Phénix, Seigneur de Vie, ou encore Esprit-Saint Feu-et-Lumière, et même, très carrément, Lucifer. Bien mieux, lorsqu’ils parlent de leur dieu dans une assemblée publique, où peuvent se trouver des non-initiés, ils le désignent par des périphrases, dignes de vrais palladistes : « Celui que vous savez », ou bien : « Celui que les sots et les ignorants maudissent. »

De même que les occultistes des triangles ont leur livre sept fois sacré, mille fois secret, le Livre Apadno, les Jézides possèdent un livre mystique et mystérieux, le Sôhuph Sheit, que l’on ne peut montrer aux étrangers sous peine de mort.

Les cabalistes du Palladium revendiquent Moïse ; les Jézides, aussi. Le Livre Apadno fait du Christ un fils de Baal-Zéboub, ayant bien vécu selon Lucifer d’abord, puis ayant trahi le Dieu-Bon ; les Jézides honorent Jésus-Christ dans une partie de sa vie et le maudissent dans l’autre, ils prétendent qu’il fut une incarnation du premier ministre céleste du Mélek-Taous, mais qu’il abandonna la bonne cause divine ; et c’est pourquoi les Jézides meurtrissent l’image du Christ crucifié, exactement comme les palladistes. Il n’est qu’un point sur lequel les deux sectes diffèrent : les Jézides rendent honneur à Mahomet, comme étant un de leurs prophètes ; les palladistes, sans le vouer aux anathèmes, reconnaissent qu’il n’a possédé qu’à demi la vraie lumière : mais dans le Palladisme comme chez les Jézides, on prie pour la