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Deyroile (Voyage dans le Lazistan et l’Arménie) n’en compte que 5.000 sur la frontière turco-russe ; mais il ajoute qu’ils sont, par contre, fort nombreux, aux environs du Sipan-Dagh, au nord du lac de Van. « Les Yésidis adorent le diable, écrit M. Deyrolle ; leur doctrine inspire également de l’horreur aux Persans, aux Turcs et aux chrétiens. Ils sont braves et entreprenants, et maintenant encore leurs habitudes de brigandage les rendent fort à craindre dans les districts de Melesgerd et de Boulanlik, où ils pillent quelquefois les grandes caravanes et les villages arméniens dont ils enlèvent les récoltes. On les reconnaît à leurs vêtements, qui sont généralement de couleur sombre et couverts de broderies de laine rouge, ainsi qu’à leur turban jaune et noir. » Une de leurs tribus, fixée entre Mossoul et le Khabour, affluent du Tigre, pouvait, au commencement de ce siècle, mettre sur pied environ 8.000 hommes, dont 6.000 fantassins.

Depuis une terrible expédition faite contre eux en 1841 par Reschid, pacha de Mossoul, qui les tailla en pièces et les força à rentrer dans leurs repaires, du reste inaccessibles, ils exercent le brigandage plus modérément, si l’on peut s’exprimer ainsi, mais, en revanche, ceux qui semblent vouloir se civiliser sont d’une hypocrisie raffinée, au delà de tout ce qu’on peut supposer.

Chaque tribu de Jézides est gouvernée par un cheikh indépendant ; mais toutes relèvent au spirituel du Mir, sorte de pape sataniste ou cheïkh-khan, qui réside au bourg de Baadlî, situé sur une roche escarpée. Ce mir, qui est choisi parmi les descendants d’Yésid, fondateur de la secte, est en même temps le prince de la tribu sur le territoire de laquelle se trouve le tombeau révéré de leur grand saint, le cheikh Adi, auteur de leur livre de doctrine, Aswat ou « le Noir » ; les sectaires se rendent en pèlerinage à ce lieu sacré, leur saint-sépulcre, au nord de Mossoul, sur la route d’Amadiah. Ils ont encore un sanctuaire vénéré à Lalech, village où vécut un de leurs prophètes.

On le voit, les Jézides ne sont pas des mythes ; les témoignages abondent sur leur religion à rebours, sur leurs mœurs, féroces dans les contrées que leurs bandes terrorisent, hypocrites quand, s’écartant de leur centre caucasien, ils viennent dans les villes de l’Asie-Mineure, sur les côtes de Palestine, ou à Smyrne, et même en Europe. Lorsqu’ils se rendent dans nos régions, c’est par petites bandes, et on les confond avec les tziganes, les zingaris ; on dirait des bohêmes moitié arabes moitié juifs.

Le fait est que leur origine est bien confuse. Il y a, dans la doctrine qu’ils affichent, un mélange, en apparence bizarre, de manichéisme, de parsisme, de mahométisme et de judaïsme. Manichéens, ils le sont, ainsi que parsis, par leur croyance aux deux principes rivaux, le bon et le mauvais, se combattant toujours : autant que les musulmans et les juifs, ils ont la haine des chrétiens ; même, ils les détestent encore à un plus haut degré. Comme ils