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est arrêté, et ses écrits lui valent une condamnation à seize mois de travaux forcés (29 juin).

D’autre part, la scission s’accentue entre les anarchistes purs et les révolutionnaires qui se bornent à se déclarer collectivistes. Un congrès ouvrier est tenu à Paris (22 mai), où ceux-ci, en majorité, votent qu’il faut se servir du suffrage universel pour s’emparer du pouvoir politique. Les anarchistes purs qui ne veulent arriver que par l’insurrection et qui condamnent l’exercice des droits électoraux, se retirent et vont faire leur congrès à Londres (juillet). Là ils proclament la nécessité de joindre la propagande par le fait à la propagande théorique.

L’union entre les fenians irlandais et les anarchistes de tous pays n’est plus douteuse. Le cabinet Gladstone avait fait passer un bill réglant très sagement la question agraire : on sait que les Irlandais se plaignaient des exigences de grand nombre de propriétaires anglais. Or, M. Gladstone accordait l’institution d’un tribunal pour établir, sur la demande du fermier, le fermage sur des bases équitables, en fixer les conditions, protéger la liberté de vente et de fermage ; il faisait reconnaitre aux fermiers un droit de copropriété sur le sol, qui leur permettait l’achat des terres, le Trésor leur faisant même des avances pour les aider. Mais d’aussi sages mesures ne faisaient pas les affaires des agitateurs, qui n’exploitaient les plaintes des fermiers que pour provoquer la révolution, et non obtenir des réformes. Aussi, sans tenir compte de la nouvelle loi, les chefs fenians prêchent partout l’insurrection : des émeutes éclatent à Dublin, à Cork : la ligue agraire « boycotte » non seulement les propriétaires, mais les agents de la loi et tous ceux qui ne se prêtent pas aux exigences des FF∴ Parnell, Davitt, Dillon ; les fermiers eux-mêmes, les marchands, les ouvriers, sont les premières victimes de ces gens qui prétendent défendre les intérêts du peuple. La terreur feniane règne ; on assassine à tort et à travers, et les auteurs de ces crimes demeurent impunis, personne n’osant venir témoigner devant les magistrats. Un comité irlandais anarchiste se forme aux États-Unis et prend le titre de Conseil de la Dynamite (août), proclamant l’abolition du fermage, la suppression des propriétaires (landlords), l’expulsion de tous les Anglais hors d’Irlande et stipulant l’emploi de toutes les matières explosibles pour porter partout la destruction. Le gouvernement se décide enfin à arrêter les meneurs. Parnell, Davitt, Dillon, Sexton, Brennan, Egan, etc., sont emprisonnés à Kilmainham et à Portland, d’où ils réussissent à lancer un manifeste d’insurrection. L’ordre n’est rétabli, et encore provisoirement, que par la mise du pays en état de siège.

En Suisse, le gouvernement fédéral paraît s’émouvoir des plaintes soulevées au sujet de l’abus du droit d’asile ; après l’assassinat du tsar, il y a eu, en effet, des récriminations contre la trop grande tolérance accordée par la