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— Le secret de la vie, voilà ce qu’il nous faut ! Homunculus ! s’écriait Hoffmann, vers la fin de la séance du Lotus Saint-Frédéric que j’ai racontée.

Ils aspirent donc, ces triples fous, à créer l’être humain, en dehors des lois que Dieu, dans sa sagesse, a imposées à la nature.

Le même Hoffmann, que j’ai revu, m’exposa la théorie.

Le dieu-bon Lucifer est le rival d’Adonaï et même l’Excelsus Excelsior. Le livre Apadno nous enseigne que la création ne fut pas l’œuvre d’un seul des deux éternels Principes.

— L’un et l’autre, me disait-il, ont animé la matière, créé des êtres vivants, mais par une sorte de collaboration inspirée par leur antagonisme. Mais de qui est finalement l’homme intelligent, l’homo sapiens, si ce n’est de Lucifer plus particulièrement ? Là-dessus, le livre sept fois sacré est formel. La création, nous la comprenons donc autrement que les adonaïtes. Ex nihilo nihil, disons-nous. Pour nous, il y a eu, non pas création dans le sens strict du mot tels que l’entendent les théologiens de la superstition ; mais il y a eu organisation. C’est pourquoi nous donnons à l’Être suprême le titre de grand architecte, et non celui de créateur des mondes.

C’est aussi ce qu’Athoïm-Olélath voulut me faire entendre. « Dieu est éternel, et il est dans tout. La nature est donc éternelle ; elle a existé de tout temps, elle existera toujours. Dieu existe, mais comme âme de la nature. Ne croyons pas à la création absolue ; c’est une absurdité. Croyons à une génération, à une transformation, à une organisation ; nous serons dans le vrai. Ordo ab Chao. Or, dans la divinité, comme dans tous les éléments de l’univers, il y a deux principes contraires, d’où résulte l’équilibre des forces éternelles : l’un tend à pervertir et à détruire, c’est le mal et le mensonge, Adonaï ; l’autre conserve et améliore sans cesse, c’est le bien et la vérité, Lucifer. »

Voilà la base du système, qui accuse la Bible d’absurdité !… Rien n’est plus simple, au contraire, rien ne correspond mieux à la logique et à la conscience que le dogme de la création. Mais il gêne Satan, et Satan le rejette. Il le rejette pour enseigner aux palladistes… quoi ?… la théorie la plus diffuse, la plus invraisemblable.

Voyons, néanmoins, comment le livre Apadno prétend débrouiller cet imbroglio. Je résume.

Dans l’univers, Adonaï préside à la matière, Lucifer préside à l’esprit. La théorie matérialiste du docteur Buchner, exposée dans son fameux livre Force et Matière, est reprise par le Palladisme, c’est-à-dire par le démon, qui, au moyen d’une explication nouvelle, aussi fausse que celle du système athée, établit le prétendu rôle des deux Principes éternels ; le dogme mensonger de la divinité double est ainsi édifié — ce qui ne laisse pas d’être curieux et bien caractéristique — sur le mensonge de l’athéisme matérialiste.