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que mes deux voisines lâchèrent tout à coup mes mains, mais en retirant les leurs avec vivacité.

Que venait-il donc de se passer ?

Athoïm-Olélath, ou plutôt Hermès, était toujours là ; mais maintenant il me regardait, ne paraissant plus prendre garde aux autres, et, le doigt tendu, il me disait :

— Toi !… toi !… toi !…

Et, en disant cela, l’apparition avait pour moi un étrange sourire.

Cette fois, moi qui suis difficile à étonner, j’étais stupéfait. Que me voulait-il encore, ce grand diable d’Hermès ? Avait-il lu dans le fond de mon cœur, et allait-il me dénoncer comme catholique à l’assemblée de ces lucifériens fanatisés ?

J’eus l’impression d’un grave péril qui me menaçait. Prêt à tout, je serrai de ma main gauche ma médaille de saint Benoit, cousue dans l’étoffe à l’extrémité de mon cordon, et, sans affectation, j’avais mis dans ma poche mon autre main, tenant mon revolver. Avec l’aide de saint Benoît, me disais-je, je repousserai ce démon, à la moindre velléité d’attaque ; quant à mon revolver, si l’assistance se tourne contre moi, il tiendra en respect ceux qui auraient la tentation de me faire un mauvais parti.

En quelques secondes, j’avais donc jugé la situation, en chrétien fidèle, implorant en mon âme la protection de Dieu, mais aussi en homme déterminé à vendre chèrement ma vie, le cas échéant.

Toutefois, Hermès ne se montrait nullement agressif. Il me couvait toujours de son œil tranquille, point irrité ; son doigt tendu continuait à me désigner ; il avait de plus belle comme un sourire de sphinx à mon adresse, sourire incompréhensible, car il n’était ni bienveillant, ni sarcastique ; et il ne savait ou ne voulait répéter que ce mot :

— Toi !… toi !… toi !…

Tous les regards de l’assemblée étaient tournés vers moi ; on se demandait ce que signifiait cette manifestation du puissant esprit du feu à mon égard.

Enfin, il plongea sa main dans une de ses poches, la retira pleine de pierreries, les jeta dans ma direction, et disparut. Instantanément, le trou s’était refermé, sans qu’aucune trace en subsistât ; Hermès n’était plus là, tel qu’un songe qui se serait soudain terminé. Mais ce n’était point un rêve que les frères et sœurs présents et moi avions fait : un parfum délicieux, qui n’avait aucun rapport avec l’odeur dégagée des cassolettes du triangle, remplissait l’air, nous prenant à la gorge, nous pénétrant ; et, à nos pieds, devant moi, je voyais éparses ces pierres précieuses qu’Hermès venait de me jeter.

C’était surtout des diamants et des perles d’une incomparable beauté. Les sœurs les plus voisines de moi se précipitèrent pour les ramasser.