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qui n’était ni turc ni indien, ou, pour mieux dire, qui tenait de l’un et de l’autre. L’apparition s’était élevée un peu au-dessus de l’ouverture béante, toujours au sein du feu qui, sans-brûler ses vêtements, bien entendu, hurlait et pétillait, en langues mobiles, rougeâtres, vivement éclairantes.

Je regardais l’être surnaturel que j’avais devant moi, et je n’eus pas besoin de plonger longtemps dans mon souvenir ; cet homme-démon, je l’avais déjà vu, et je le reconnus tout de suite.

— Hermès ! Hermès ! gloire à Hermès ! clamait l’officiante-évocatrice, heureuse du succès de l’opération.

C’était bien Hermès, en effet ; il tenait à la main droite un caducée, et il l’étendait sur l’assistance, avec un geste de domination. C’était bien Hermès, oui ; mais c’était aussi, je ne pouvais m’y tromper, Athoïm-Olélath, le chef du laboratoire de Gibraltar, l’obsesseur qui m’était déjà apparu à bord du Menzaleh, l’être énigmatique dont je n’avais définitivement compris le caractère absolument infernal qu’à cette visite inattendue dans ma cabine, mais dont je n’avais pu néanmoins fixer alors l’identité. Maintenant, je savais à quoi m’en tenir : dans les cavernes du rocher anglais, c’est bien un diable d’enfer qui demeure, présidant aux travaux des chimistes du Palladium ; ce n’est pas un démon de mince importance, c’est un des sept esprits du feu qui sont au sommet de la hiérarchie satanique.

Je ne pouvais en croire mes yeux, cependant. Je me rappelais mon exploration des grottes Saint-Michel et de leurs annexes, que le monde profane ignore ; je revoyais mentalement Joë Crocksonn et tous les ouvriers spœléiques ; j’entendais encore le tintamarre des ateliers souterrains où se fabriquent les instruments du magisme palladiste. Eh ! quoi, il n’y a plus à en douter, me disais-je, le diable en personne est le directeur, le véritable directeur des mystérieuses usines de Gibraltar.

Puis, je me remémorais mon étude des critiques du matérialisme au sujet de la création et la surprenante intervention de ce même Athoïm-Olélath, qui prétendit m’éclairer dans un moment de doute coupable.

Ma pensée n’était plus à ce qui se passait auprès de moi. Eux, les palladistes convaincus, ils ne voyaient que leur divin Hermès ; mistress Booth avait engagé la conversion avec lui, et je ne sais vraiment ce qu’ils se dirent, à la grande satisfaction du triangle. Je m’absorbais dans mes réflexions ; je considérais combien tout cela était providentiel, car jamais je n’avais espéré avoir la solution de ce problème du laboratoire secret, ni l’explication de l’obsession scientifique à laquelle j’avais été en butte.

Le dialogue entre l’officiante et le daimon évoqué dut se prolonger quelques minutes. Je fus rappelé au sentiment de la situation présente par un silence subit qui se fit et par une secousse que je ressentis brusquement. Dans la chaîne magique, ai-je dit, nous alternions par frère et sœur : et voilà